L'économie du Nigeria est entrée en récession au deuxième trimestre, après deux trimestres consécutifs de repli du PIB provoqués par la chute des cours de l'or noir et des politiques économiques de plus en plus contestées.
"Au deuxième trimestre, le PIB a décliné de 2,06% (sur un an)", selon le Bureau national des Statistiques (NBS), soulignant un taux d'investissements étrangers "historiquement" bas, en chute de 76% par rapport à la même période en 2015.
"Il y a eu de grandes incertitudes concernant les politiques de taux de change, qui ont sûrement effrayé les investisseurs", note le NBS.
Le pays a profité des prix hauts des cours du pétrole pour devenir la première économie africaine.Mais quand le baril est descendu à moins de 50 dollars, et que des groupes d'opposants ont recommencé à faire exploser les installations pétrolières, la fortune du Nigeria s'est évaporée.
Le président Muhammadu Buhari a finalement décidé de laisser flotter le naira en juin, après l'avoir maintenu à taux fixe pour garder des prix bas.
Cette décision, que les experts financiers prônaient depuis des mois pour renflouer les caisses de l'Etat, a été prise très tard et n'aura pas suffi à rassurer les investisseurs, alors que l'inflation a augmenté de 17,1% en juillet, et que le pays est toujours en pénurie de dollars.
Un dollar aujourd'hui vaut plus de 410 nairas au marché noir, contre 340 en janvier."On n'a plus de dollars", se plaint un changeur de devises dans les rues de Lagos."On accepte même les coupures de 2003 maintenant."
Les riches spéculent, les importations en devises étrangères coûtent de plus en plus cher, les pauvres peinent à acheter à manger et les critiques commencent à se faire entendre.
"Un système qui vous permet de gagner un milliard de naira depuis votre téléphone portable sans avoir à investir un centime, est un système qui ne fonctionne pas", s'est insurgé l'Emir de Kano, Muhammadu Sanusi, figure très respectée au Nigeria et ancien gouverneur de la Banque Centrale.
M. Sanusi s'était gardé de faire des déclarations publiques contre les décisions économiques du gouvernement, dont il est proche politiquement.
"Mais lorsque qu'une politique est mauvaise, elle est mauvaise, et il faut en changer", a-t-il martelé la semaine dernière..
- Doutes -
Alors qu'il célébrait sa première année à la tête de l'Etat en mai dernier, le président Buhari s'était défendu en invoquant les infrastructures "décrépies" dont il avait hérité.
M. Buhari en a profité pour rappeler ses deux priorités pour relancer la croissance: un combat acharné contre la corruption et la diversification de l'économie.
Ces deux actions, alors que le prix du baril est tombé à moins de 30 dollars en janvier, ont fait taire un moment les critiques, sachant que le Nigeria tire 70% de ses revenus grâce à l'or noir.
Mais les premiers doutes ont commencé à émerger avec le vote d'un budget annuel très ambitieux, approuvé en mai dernier, après des mois de discussions.
"Est-ce que le Nigeria pourra continuer à dépenser autant qu'avant, sans engranger des dettes importantes?", a mis en garde Razia Khan, économiste à Standard Chartered Bank.
Pour redynamiser son économie, le pays a un "besoin massif d'investissements dans ses infrastructures (...) ce qui prendra des années à mettre en place", explique Dawn Dimowo, analyste à Africa Practice."Le manque d'énergie est un énorme handicap, ce secteur doit être une priorité".
Conséquence de la pénurie de devises étrangères, le pays de 170 millions d'habitants expérimente des pénuries de pétrole raffiné -qu'il doit toujours importer- et sa production électrique, qui connaissait déjà d'immenses difficultés avant la crise, a plongé à 2.500 MW.
En comparaison, l'Afrique du Sud, avec une population trois fois moins importante, produit 40,000 MW.
Aliko Dangote, l'homme le plus riche d'Afrique a un gigantesque projet de raffinerie d'un coût de 14 milliards de dollars.Il pourrait apporter un souffle à la production énergétique dès 2017, selon la société BMI Research.
Mais si le pays est endetté et que la monnaie n'est pas stable, il lui faudra trouver assez d'investisseurs capables de supporter le projet.
"La priorité est de restaurer une crédibilité économique", martèle Manji Cheto, analyste financière pour Teneo Holdings Intelligence.
Les chiffres dévoilés mercredi ne vont pas dans bon sens, même si les autorités sont toujours confiantes sur une reprise d'ici la fin de l'année.
Mi-juillet, BMI Research prévoyait un repli de la croissance à 4,3% sur les dix prochaines années, alors que le Nigeria a enregistré une moyenne de 6,8% sur la dernière décennie.
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