Lorsque que le juge Jean-Louis Bruguière délivre, en novembre 2006, neuf mandats d'arrêt internationaux visant de hauts responsables rwandais, la classe politique française se démarque clairement de cette décision en invoquant le respect de l'indépendance judiciaire. Néanmoins certains mémos révélés par Wikileaks donnent une image moins nette de cette ligne de séparation. Des liens masquésEn 2006, le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, souhaite quitter la magistrature pour entrer en politique. Il confie aux Américains qu'il espère devenir député, voir ministre de la Justice. Peut être animé par le souci de ne pas se mettre à dos les politiques celui-ci va « présenter sa décision [de délivrer des mandats d'arrêt visant des dirigeants rwandais] à des responsables français y compris au président Chirac ». Il justifie cette décision par le « besoin de coordonner son calendrier avec le gouvernement ».Il ajoute qu'« [il n'a] pas été surpris par la réaction officielle du Rwanda » [le Rwanda a rompu immédiatement ses relations diplomatiques avec la France.] et que « le gouvernement français était préparé à ce qui était attendu comme une réponse violente contre les ressortissants français ».Un haut diplomate français va corroborer ces déclarations, celui-ci « confie que le gouvernement français avait donné à Bruguière le feu vert pour rendre son rapport [les mandats d'arrêt] [et] que la France avait voulu riposter à la décision du Rwanda de mener une enquête sur l'implication de la France dans le génocide de 1994 et ses conséquences ». La rwandaise Rose Kabuye, « un test » pour la justice françaiseEn novembre 2008, à Francfort, Rose Kabuye, chef du protocole du président Paul Kagamé est arrêtée. Elle fait partie des neufs dirigeants concernés par le mandat d'arrêt. Le Rwanda aurait facilité cette arrestation. Romain Serman, conseiller « Afrique » à l'Elysée, « a suggéré que l'affaire Rose Kabuye était de fait une affaire-test permettant aux Rwandais d'avoir un accès direct au dossier » la concernant. « Les deux parties [la France et le Rwanda] ont compris qu'il s'agissait du dossier le plus faible » du juge Bruguière, et qu'en faisant échouer les poursuites dans son cas, « on pourrait faire dérailler les autres mandats d'arrêt ».Charlotte Montel, conseillère au cabinet du ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, « admet que plusieurs officiels français avaient gentiment suggéré aux Rwandais que l'une des neuf [personnes visées par les mandats d'arrêt] accepte d'être arrêtée ». Cette tactique avait été formellement décidée par la France et le Rwanda.La diplomate reconnaît que Mme Kabuye « a toujours maintenu qu'elle n'avait jamais eu l'intention de se faire arrêter » pour servir de test. Mais cette version est contredite par un télégramme du 10 novembre 2008 rédigé par l'ambassade américaine à Kigali. Selon ce mémo, Rose Kabuye elle-même avait confié à des « contacts de l'ambassade » que « ce serait mieux d'aller en France pour combattre les accusations et être entendue ».
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