"Qu'ils votent ou pas, Uhuru sera réélu", assène un étudiant dans un bidonville de Nairobi en référence au président kényan Uhuru Kenyatta.Plus loin, d'autres jeunes suivent, eux, le mot d'ordre de boycott de la présidentielle lancé par l'opposition, même si "ça ne servira à rien".
Et de fait, Uhuru Kenyatta, issu de l'ethnie kikuyu, est assuré d'être réélu après le refus du chef de l'opposition Raila Odinga - un Luo - de participer à ce qu'il a qualifié de "mascarade" électorale, ni "transparente" ni "juste".
Ce scrutin de jeudi est organisé après l'annulation pour "irrégularités" le 1er septembre par la justice de la présidentielle du 8 août, à l'issue de laquelle M. Kenyatta avait été proclamé vainqueur (54,27% des voix contre 44,74% à M. Odinga).
A Huruma, quartier très déshérité de la capitale, quelques dizaines d'électeurs seulement font la queue devant leurs bureaux de vote, la plupart kikuyu.
Une pluie intense, le froid de ces dernières heures mais surtout des mois de divisions politique et de tensions sécuritaires dans le pays semblent avoir douché l'enthousiasme des électeurs. Au moins 40 personnes ont été tuées depuis le 8 août, la plupart dans la répression brutale des manifestations de l'opposition par la police, selon les organisations de défense des droits de l'Homme.
"Vous savez, il y a eu des tensions, les gens vont venir voter en petit nombre aujourd'hui", estime un habitant sous couvert d'anonymat."Mais ils viendront, c'est sûr à 100%".Par "ils", il sous-entend les partisans de M. Kenyatta.
Ainsi Susan Ndungu, vendeuse de 40 ans, est l'une des premières à s'être présentée à son bureau de vote."La dernière fois, l'élection a été annulée mais la réalité c'est qu'on avait voté ! Alors il faut qu'on se mobilise pour ce vote.Peut-être que l'opposition ne votera pas mais nous, on le fera", lance-t-elle à l'AFP.
- Un boycott qui ne sert "à rien" -
Dans le bureau de vote de l'église "Redeemed Gospel", Pius Muhoro, 20 ans, dit être venu voter "pour son avenir"."C'est mon devoir et mon droit de voter", dit-il.Et l'appel au boycott de l'opposition ? "C'est de la foutaise, c'est n'importe quoi: qu'ils votent ou pas, Uhuru sera réélu", réplique-t-il.
A Mathare, un bidonville voisin abritant différentes communautés et des partisans des deux camps politiques, les bureaux de vote attiraient jeudi très peu d'électeurs, ou étaient carrément fermés.
Sous la pluie, un groupe de jeunes Luos a suivi l'appel au boycott de Raila Odinga: ils refusent de participer au vote, s'agitent, crient et font usage de sifflets.Régulièrement, certains lancent des pierres en direction d'un bureau de vote installé dans une école primaire, ou s'attaquent à des passants pour leur voler leurs téléphones portables.
"C'est notre droit de ne pas aller voter.On a voté en août, et vous avez vu le résultat", lâche l'un d'eux, Joseph Otieno, 25 ans et au chômage, en mâchant du khat, une plante euphorisante très prisée dans cette région d'Afrique.Il assure que lui et ses compagnons n'empêcheront personne de voter."Ceux qui veulent voter, c'est aussi leur droit", dit-il.
Un peu plus loin, John Owuor, observe avec calme le groupe de jeunes.Cet électricien de 45 ans au chômage survit en vendant de la nourriture dans la rue.
"Ils expriment leur colère", commente-t-il, car "ceux qui votent aujourd'hui vont légitimer un gouvernement illégal".
M. Owuor a suivi le mot d'ordre de boycott de l'opposition, mais sans enthousiasme, avoue-t-il."La vie va continuer: les gens vont souffrir, et quand ils manifesteront, les forces de sécurité leur tomberont dessus.Au final, tout ça ne servira à rien", conclut-il avec amertume.
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