Nigeria: les autorités de Lagos pressées de mettre fin aux évictions forcées

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Lagos (AFP)

Timu Elijah, enceinte, dormait à poings fermés dans son bidonville d'Otodo-Gbame, sur les rives de la mégapole nigériane de Lagos, lorsqu'elle a été réveillée en sursaut par ses voisins: les forces de l'ordre arrivaient pour les faire déguerpir.

"Les gens couraient comme des fous, en criant : +Ils tirent, ils mettent le feu aux maisons!+", explique-t-elle à l'AFP. 

Dans la confusion, son fils de cinq ans a disparu.La jeune femme est convaincue que le stress causé lorsqu'elle tentait de le retrouver a provoqué son accouchement précoce.Trois jours après la naissance, elle fut à son tour expulsée et sa maison fut démolie. 

"Je me suis échappé avec le bébé pendant que les gens détruisaient et incendiaient les maisons", raconte-t-elle en faisant rebondir Faithful - la petite fille née dans le chaos - sur sa hanche. 

Sept mois plus tard, et toujours sans signe de son plus jeune fils, Timu et son mari vivent avec leurs trois autres enfants dans un autre bidonville, luttant pour joindre les deux bouts. 

"Mon mari est pêcheur mais il ne peut pas pêcher, nous mangeons ce que les gens nous donnent".

L'histoire de Timu est loin d'être unique.Plus de 30.000 habitants d'Otodo-Gbame et d'Ilubirin, un autre quartier de la capitale économique du Nigeria, se sont ainsi retrouvées à la rue l'année dernière. 

Un an après les premières expulsions, officiellement menées pour des raisons de sécurité, les défenseurs des droits de l'Homme appellent les autorités de l'Etat de Lagos à mettre un terme à des interventions "illégales", visant selon eux à s'accaparer des terres très prisées, dans une ville surpeuplée. 

Dans un rapport publié mardi, Amnesty International réclame une enquête sur les violences.Au moins 11 personnes seraient mortes et 17 autres auraient disparu au moment où les bulldozers sont entrés, encadrés par la police et des hommes non identifiés armés de machettes et de fusils. 

Des écoles et un centre de santé ont été rasés et les habitants forcés de fuir les balles et les gaz lacrymogènes à bord de canoës. 

Selon la directrice d'Amnesty, Osai Ojigho, les habitants de ces colonies informelles établies de longue date - la plupart d'entre eux étaient des pêcheurs - ont tout perdu.

"Les autorités de l'Etat de Lagos doivent mettre fin à ces attaques contre les communautés pauvres qui sont punies pour les échecs de la planification urbaine de l'Etat", a-t-elle déclaré.

 - '500.000 dollars' -

Le Nigeria, qui compte plus de 180 millions d'habitants et devrait devenir la troisième nation la plus peuplée du monde d'ici 2050, détient un record peu enviable d'expulsions forcées. 

Selon les Nations unies, au moins deux millions de personnes ont été déplacées pour laisser la place à des projets de développement - notamment immobilier - entre 2000 et 2009.

Plus de 23 millions de personnes vivent et travaillent dans l'Etat de Lagos, qui croît à un rythme de 3,2% par an, selon les chiffres officiels. 

Au moins 70% de la population vit dans des abris de fortune au milieu de quartiers densément peuplés, bâtis sur la première terre disponible.

A Otodo-Gbame et à Ilubirin, des projets de construction de résidences de luxe avec vue sur mer fleurissent un peu partout. 

"Des parcelles ont été vendues jusqu'à 500.000 dollars", selon le rapport d'Amnesty, intitulé "Le coût humain d'une mégapole.Les évictions forcées des citadins pauvres à Lagos, au Nigeria".

Les expulsés disent n'avoir jamais été indemnisés ni relogés.Le système de location à bas coût mis en place par le gouvernement local reste aussi inabordable pour l'immense majorité qui vit dans la misère.

A Otodo-Gbame, le loyer moyen était d'environ 3.000 nairas (sept euros) par mois, selon d'anciens résidents.Désormais, le logement - une pièce - le moins cher coûte près de 16.000 nairas, en plus de l'acompte à verser de 75.000 nairas. 

Dans un communiqué, le gouvernement de Lagos a accusé le rapport de "partialité", rempli d'"inexactitudes" et d'"exagérations", affirmant qu'Otodo-Gbame se trouvait sur des terrains privés et qu'une décision de justice avait tranché en faveur des propriétaires. 

Il s'agissait, selon les autorités, d'une "implantation illégale qui ne devrait pas pouvoir utiliser l'émotivité et le sensationalisme pour s'accaparer de force une propriété privée".

Des manifestations de soutien aux expulsés sont prévues dans les prochains jours pour faire pression sur les autorités. 

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