Reconnus comme entreprise technologique mais pas de transport, les VTC et leurs chauffeurs naviguaient jusqu'à présent dans un flou juridique.
"Si la police nous arrête, dis-leur que nous sommes amis", lancent encore certains chauffeurs de VTC à leurs clients, craignant une amende faute de licence.
Devant cette situation, le parlement a voté début mai une loi régulant leur activité, une première dans la région. Le texte doit encore être promulgué par le président Abdel Fattah al-Sissi.
Les deux principales sociétés concernées par la loi, Uber et Careem - un équivalent émirati de la firme californienne, se sont félicitées du vote.
Abdellatif Waked, le directeur général d'Uber Egypt, parle d'une "avancée historique" et espère "l'accroissement des investissements, la création de nombreux emplois et l'extension" d'Uber.
"Nous serons attentifs" quant à l'application de la loi sur le terrain, prévient-t-il toutefois.
Mais côté chauffeurs, même si on a attendu avec impatience une régularisation, on se demande à présent si on a vraiment à gagner avec cette loi.
- Décision d'une cour attendue -
Nombreux sont ceux qui disent notamment redouter le coût que cela va entraîner. D'autant plus que beaucoup sont contraints de cumuler plusieurs emplois pour subvenir aux besoins de leur famille.
En vertu de la loi, chaque chauffeur devra ainsi s'acquitter d'un permis d'exploitation et d'une carte spéciale pour une valeur totale de 3.000 livres (environ 140 euros) maximum par an, une somme qui risque de peser sur le budget de leur famille dans un pays où le salaire moyen est de 180 euros.
"Dès que la loi sera appliquée, je vais quitter Uber", confie Khaled, chauffeur "depuis quelques mois", par ailleurs professeur d'arabe.
C'est "beaucoup trop", s'insurge Khaled qui, déjà échaudé par les 20% de la course qui revient à Uber, refuse de payer ces 3.000 livres qui représentent selon lui son salaire mensuel, ses deux emplois cumulés.
Pour Mohamed, 27 ans, qui a acheté une voiture pour pouvoir travailler chez Uber, ce montant est acceptable mais il attend davantage de la compagnie en contrepartie."Si je dois payer des frais sans avoir la sécurité d'un emploi normal, autant devenir chauffeur de taxi", ironise-t-il.
"Le problème a pris trop de temps à être réglé", déplore de son côté Ramez Waguih, 36 ans, comptable le matin et chauffeur Uber l'après-midi.
En attendant de pouvoir exercer sous le label Uber, cet Egyptien très actif sur les groupes privés des chauffeurs sur les réseaux sociaux a fait des démarches pour obtenir sa licence de chauffeur particulier.
Ce qui n'a pas été simple: il dit voir passé plusieurs semaines dans les bureaux administratifs, été balloté de service en service, subissant les retards des fonctionnaires comme les reports incessants du traitement de son dossier.
Ayant obtenu finalement une autorisation provisoire, il craint que la légalisation n'échappe pas à la lenteur et l'incurie de l'administration.
Sans compter que cette légalisation est encore tributaire d'une décision de justice.Les chauffeurs de taxi, hostiles aux entreprises de VTC car ils estiment qu'elles leur ont volé leur travail, ont multiplié les manifestations mais aussi les procédures.
En mars, après une plainte, un tribunal administratif du Caire s'est prononcé pour l'arrêt de ces services, jugement plus tard suspendu.La Haute cour administrative doit se prononcer définitivement sur l'affaire mais l'audience est sans cesse reportée.
- Succès considérable -
Dans un pays de près de 100 millions d'habitants où les taxis ont mauvaise réputation, Uber connaît un succès considérable depuis près de quatre ans.
L'entreprise se targue d'avoir séduit plus de quatre millions d'utilisateurs et fourni plus de 150.000 opportunités d'emploi en 2017.
Uber compte investir quelque 100 millions de dollars (84,4 millions d'euros) sur cinq ans.Une manne pour un gouvernement d'un pays en plein marasme économique, en quête d'investissements internationaux.
La nouvelle loi est un "signal fort" en faveur des affaires, de l'investissement et de l'innovation, estime également le directeur général de Careem en Egypte, Ramy Kato.
Careem a investi en Egypte 30 millions de dollars (25,4 millions d'euros) et compte plus de 100.000 chauffeurs, selon lui.
L'Etat a donc tout intérêt à favoriser ce marché, générateur de d'"investissements, de développement et de transport", insiste Mohamed Badaoui, membre de la commission des transports au Parlement et homme d'affaires.
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