"D'ordinaire quand vous voyez des Africains à l'écran, ils portent de l'eau sur la tête.Personnellement, je n'ai jamais fait ça, je suis une enfant des villes", raconte-t-elle à l'AFP, dans un grand éclat de rire.
Pour son premier long métrage, présenté mercredi à Cannes dans la section Un Certain Regard, la trentenaire voulait raconter une histoire d'amour "vibrante, moderne et cosmopolite", avec des personnages qui font du skate, portent des tenues sportswear ou des tresses africaines rose bonbon.
"Notre ambition est de s'assurer que l'image de l'Afrique est aussi joyeuse et pleine d'espoir", explique la réalisatrice qui s'est inspirée de la nouvelle "Jambula Tree" de l'Ougandaise Monica Arac de Nyeko.Un choix motivé "par la belle histoire sur un passage à l'âge adulte, et non par l'histoire d'amour lesbienne".
Dans "Rafiki", Kena (Samantha Mugatsia) et Ziki (Sheila Munyiva), deux étudiantes qui vivent chez leurs parents, se rencontrent, se découvrent et finissent par s'aimer dans un pays où "les filles bien deviennent de bonnes épouses" et où l'homosexualité est illégale.
Pudique à souhait, le film mise sur une réalisation sensuelle, privilégiant l'éclosion des sentiments.
"La scène d'amour dans le film est très mesurée et attendrissante, les deux personnages ne savent pas ce qu'elles font, elles sont naïves et maladroites et ne se déshabillent même pas", souligne la réalisatrice.
Mais la censure n'a pas été de cet avis, faisant du film une oeuvre "en exil", selon les termes de sa créatrice."Oui, nous vivons dans une société conservatrice", confirme la jeune femme qui était favorable à une interdiction de son film aux moins de 18 ans au Kenya, consciente de la sensibilité du sujet.
"Nous espérons qu'il rentrera un jour chez lui", dit cette battante qui risque la prison en cas de projection sur le sol kényan.
- Audace et frivolité -
En attendant, elle est ravie de montrer, à travers son film aux couleurs éclatantes, une Afrique moderne, "trop souvent réduite à une région marquée par la guerre, la maladie et la souffrance".
"Ceux qui sont au premier rang pour défendre l'Afrique sont de jeunes artists pop de tout le continent", lance Wanuri Kahiu, mettant en avant le travail du collectif AfroBubblegum, qui défend des artistes "audacieux et frivoles" en Afrique.L'ambition de cette plateforme: "promouvoir la joie"."C'est très simple, mais même cela peut nous mettre en difficulté par exemple avec ceux qui trouvaient +Rafiki+ in fine trop optimiste".
Dès 2010, Wanuri Kahiu avait été remarquée avec "Pumzi", son premier court-métrage présenté au festival de Sundance, aux Etats-Unis.Il s'agissait d'une fable de science-fiction explorant un Kenya post-apocalyptique.Un genre dans lequel elle replongera pour son prochain film.
"Concernant l'histoire de l'Afrique, on n'entend jamais parler de choses légères mais quand on voit la musique et la danse, ça ne peut pas être uniquement le produit de la souffrance", poursuit-elle, citant la Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, auteur à succès et égérie féministe.
Sur la Croisette, Wanuri Kahiu veut d'ailleurs "célébrer les jeunes femmes africaines", qu'elles soient actrices, réalisatrices, créatrices de mode...
Quid du harcèlement sexuel, thème qui plane sur le Festival, le premier depuis le scandale Weinstein ? "Le mouvement #MeToo a touché les Kényanes comme partout dans le monde".Mais "dès que vous voyez une femme se lever et prendre la parole, vous savez qu'elle a le pouvoir", dit-elle.
Entendre l'actrice Lupita Nyong'o ("12 Years a Slave, "Black Panther") parler de son expérience de harcèlement sexuel avec le producteur Harvey Weinstein a été un signal fort pour la réalisatrice. C'est la preuve que "nous pouvons à la fois être fortes et vulnérables".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.