Le leader du mouvement des peuples autochtones du Biafra (IPOB), Nnamdi Kanu, exilé à Londres, et qui ne reconnait pas l'autorité d'Abuja, avait appelé au boycottage de toutes les élections jusqu'à l'organisation - peu probable - d'un référendum d'auto-détermination.
En début de semaine, des centaines de jeunes de l'IPOB, qui vouent un culte quasi religieux à leur "leader suprême" Kanu, depuis son arrestation en 2015 et son incarcération pendant presque deux ans, ont défilé dans plusieurs villes pour appeler les populations à défier le pouvoir central.
Début février, un bureau de la commission électorale (INEC) près d'Aba a brûlé avec près de 3.000 cartes d'électeurs, de même qu'un poste de police dans l'Etat voisin d'Anambra jeudi.L'IPOB n'a pas revendiqué ces attaques d'origine criminelle, mais elles témoignent de la tension dans la région.
Puis, jeudi soir, coup de théâtre sur Twitter: Kanu a suspendu l'appel au boycottage, arguant que les "conditions requises ont été remplies, signées et livrées".
"Notre chef suprême Mazi Nnamdi Kanu a suspendu l'appel au boycottage des élections dans le Biafra", a confirmé vendredi la porte-parole de l'IPOB, Emma Powerful, basée au Nigeria.
"Notre leader a toujours établi que si nos conditions n'étaient pas remplies, nous appellerions au boycottage", peut-on lire dans un communiqué."Mais comme elles ont été remplies, notre chef a pu lever le boycott avec triomphalisme".
Aucune information n'a toutefois été donnée concernant ces mystérieuses "conditions", ni avec qui elles ont été négociées.L'IPOB n'a donné aucune consigne de vote pour l'un ou l'autre des deux principaux candidats, Muhammadu Buhari et Atiku Abubakar.
Le président sortant Buhari, musulman issu du nord et qui est en lice pour un second mandat, est particulièrement impopulaire dans cette région chrétienne très commerçante, après un mandat marqué par une grave récession économique en 2016-2017.
Kanu avait été arrêté fin 2015, peu de temps après l'élection de l'ancien général d'armée, après avoir appelé à la création de l'Etat du Biafra.
Le peuple igbo s'est toujours senti laissé pour compte sur la scène politique nigériane, et n'a eu qu'un seul représentant au pouvoir, à travers la figure d'Alex Ekwueme, vice-président déchu en 1983, par un coup d'Etat mené par le général Buhari (il avait déjà dirigé le Nigeria pendant les années 1980).
- Electeurs divisés -
Plus de 50 ans après la guerre civile pour l'indépendance de la région qui a fait un à trois millions de morts (1967-1970), le sentiment d'exclusion et l'extrême pauvreté nourrissent encore au sein de la population igbo, une grande défiance envers le pouvoir central.
De son côté, le candidat de l'opposition, Atiku Abubakar, pour le Parti Populaire Démocratique (PDP) a choisi Peter Obi, ancien gouverneur de l'Etat d'Anambra, igbo, pour le seconder: un geste politique stratégique envers le sud-est du pays.
"Ils (les membres de l'IPOB) affirment qu'ils ont réussi à négocier quelque chose avec l'un des candidats, ce qui n'est pas impossible", explique à l'AFP Don Ekereke, consultant en sécurité.
"Si c'est le cas, ça serait vraisemblablement avec le candidat du PDP", Atiku, à travers des promesses pour développer la région et lui accorder une plus large autonomie en cas de victoire, estime le consultant.
"Mais moi je pense surtout que cette histoire de boycottage n'était pas très populaire, ça n'aurait pas été le succès escompté, du coup Kanu l'a annulé au dernier moment", poursuit M. Okereke.
En effet, dans le marché d'Umuahia, ville d'où est originaire Kanu, les échanges étaient vifs cette semaine et la population était divisée.
"Si tu boycottes l'élection, tu encourages celui que tu ne veux pas voir gagner, c'est stupide", affirmait Edmond Okoli, un retraité venu faire ses courses.
"Nous avons besoin de changement, nous souffrons trop, nous ne pouvons même plus acheter un sac de riz", dont le prix a presque triplé, acquiescait Jessie Kalu, qui ne cachait pas sa sympathie pour l'opposition.
Mais pour les jusqu'au-boutistes, cette décision de leur leader est perçue comme une "trahison"."Il est trop tard pour annuler le boycott.Je n'ai rien à voir avec ces élections, je suis Biafrais, pas Nigérian", lance Leonard Munachimso, commerçant d'Aba, la capitale de l'Etat d'Abia.
"Pourquoi ne veut-il pas nous dire ce qu'il y a dans cet accord?J'ai des doutes.Ca ne serait pas la première fois qu'un de nos leaders nous trahi."
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