Agé de 82 ans, affaibli par les séquelles d'un AVC qui l'empêche de s'adresser aux Algériens depuis 2013 et rendent ses apparition publiques rares, M. Bouteflika est la cible d'une contestation massive, jamais vue depuis son élection à la tête de l'Etat il y a 20 ans.
Devant des policiers passifs, quelques centaines de personnes se sont déjà rassemblées en milieu de matinée sur le parvis de la Grande-Poste, bâtiment emblématique du coeur d'Alger, brandissant des drapeaux algériens --vert et blanc frappés de l'étoile et du croissant rouge-- et reprenant à pleins poumons des chants contre le pouvoir et son chef.
Certains d'entre eux disent venir de Tizi-Ouzou, grande ville de la région de Kabylie, à environ 100 km à l'est d'Alger et avoir passé la nuit, dans leur famille ou chez des amis, craignant de ne pouvoir rejoindre la capitale en raison de barrages ou en l'absence de bus.
"On savait qu'ils allaient fermer les routes, alors on a passé la nuit" à Alger, expliqué à l'AFP Mokrane, maçon de 43 ans.
Une dizaine de camionnettes de police sont garées près de la place et comme presque chaque jour depuis trois semaines, un hélicoptère tournoie depuis le début de la matinée au-dessus du centre de la capitale.
Comme chaque vendredi, les habitants commençaient également à déployer les drapeaux algériens aux fenêtres.
"Vous faites semblant de nous comprendre, on fait semblant de vous écouter", indiquent des pancartes de manifestants devant la Grande-Poste.
- "#Partez!" -
Toute la semaine, le pouvoir a tenté de convaincre, avec difficultés, qu'en ajournant la présidentielle jusqu'à l'issue d'une "Conférence nationale" chargée de proposer des réformes et d'élaborer une nouvelle Constitution, le chef de l'Etat avait répondu à la colère des Algériens.
En manifestant en nombre mardi et mercredi, étudiants et universitaires, puis enseignants et lycéens, ont déjà fait savoir clairement qu'ils estimaient que le message de la rue --le système actuel dans son ensemble doit partir-- n'était pas passé.
Et toute la semaine, les appels à manifester massivement pour un 4e vendredi consécutif ont été relayés par les réseaux sociaux, avec des mots-dièses explicites: "#Ils_partiront_tous", "#Partez!".Avec souvent une touche d'humour: une image conjugue le mois de mars sur le modèle du verbe "marcher": "je marche, tu marches (...) ils partent".
La conférence de presse conjointe jeudi du nouveau Premier ministre Nourredine Bedoui --qui a remplacé lundi le très impopulaire Ahmed Ouyahia-- et du vice-Premier ministre Ramtane Lamamra, diplomate chevronné, a peiné à convaincre.Au lieu d'apaiser la colère, vive mais toujours pacifique, elle a semblé au contraire la renforcer.
"Nous avons entendu le message de la jeunesse algérienne" et "les revendications de la rue" fixeront le cap du futur gouvernement, dont la composition devrait être annoncée au cours de la semaine à venir, a assuré M. Bedoui, souvent à la peine face aux questions des journalistes.
Il a notamment justifié par la "volonté du peuple" le report de la présidentielle et la prolongation d'une durée indéterminée par le chef de l'Etat de son mandat, décision jugée illégale ou inconstitutionnelle par de nombreux observateurs.
La veille, M. Lamamra avait de son côté expliqué qu'il ne s'agissait pas pour M. Bouteflika "de rester au pouvoir pendant quelques semaines ou quelques mois de plus".
"+Dégagez!+", titre en une vendredi l'édition week-end du quotidien francophone El Watan qui reprend un slogan de la contestation et estime que M. Bedoui a "esquivé les vraies questions" durant son exposé devant les médias.
Les internautes ont également été extrêmement sévères: sur Twitter, un internaute remercie ironiquement MM.Bedoui et Lamamra pour leurs "efforts pour maintenir les Algériens mobilisés" à la veille du nouveau vendredi de manifestations.
"Hier c'était la conférence de presse de votre Premier ministre et vice-Premier ministre, aujourd'hui c'est la conférence de presse du peuple", avertit un autre internaute.
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