Cible depuis le 22 février d'une contestation sans précédent en deux décennies de pouvoir, M. Bouteflika est toujours en fonctions, et son sort n'est pas scellé.Mais il semble de plus en plus isolé et privé de soutiens, face à une mobilisation populaire qui ne faiblit pas.
Mercredi, le coup a été porté par le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), principal allié du Front de libération nationale (FLN) de M. Bouteflika, Ahmed Ouyahia.
Dans un communiqué signé de ce fidèle du chef de l'Etat --qui occupait encore le poste Premier ministre il y a quelques semaines--, le RND "recommande la démission du président de la République (...) dans le but de faciliter la période de transition".
La veille, le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, autre fidèle de M. Bouteflika --qui l'a nommé à ce poste en 2004--, a lui proposé l'application de l'article 102 de la Constitution pour sortir de la crise née d'un mois de manifestations.
Cet article organise l'intérim en cas de démission du chef de l'Etat ou d'incapacité à assumer ses fonctions "pour cause de maladie grave et durable".
- "Hommage" à Bouteflika -
Dans son communiqué, le RND dit accueillir "favorablement" la proposition du chef d'état-major de l'armée, qui "cherche à préserver le pays du blocage".Le parti "rend hommage à Abdelaziz Bouteflika, pour tout ce qu'il a fait pour l'Algérie".
Agé de 82 ans, M. Bouteflika est affaibli par les séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui, depuis 2013, l'empêchent de s'adresser de vive voix aux Algériens et rendent rares ses apparitions publiques.
Pour l'heure, rien ne l'oblige à démissionner.Et l'article 102 confie au seul Conseil constitutionnel, dont le président est un autre fidèle du chef de l'Etat, la responsabilité d'activer la procédure "d'empêchement" du président pour raisons de santé.
Mais le temps presse.S'il a renoncé à briguer un 5e mandat, face aux millions d'Algériens que cette candidature avait fait descendre dans la rue, M. Bouteflika a aussi reporté sine die la présidentielle du 18 avril.
Celle-ci est censée se tenir après une "Conférence nationale" chargée de réformer le pays et d'élaborer une nouvelle Constitution.
Ce faisant, il a prolongé de fait son actuel mandat au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril, pour une durée indéterminée.Cette solution a été totalement rejetée par les manifestants, et jugée inconstitutionnelle par les observateurs.
- "Marre de ce pouvoir" -
Le "RND est dans la continuité de l'état-major de l'armée", les "clans du système (...) cherchent à se sauvegarder à un mois de la fin du mandat" de Bouteflika, estime Mahrez Bouich, professeur de philosophie politique à l'Université de Béjaia (180 km d'Alger).
Mais "le peuple ne veut pas d'un simple changement de clan", il demande "une rupture radicale avec le système" au pouvoir, ajoute-t-il, estimant que "la contestation va continuer".
Dans les rues du centre d'Alger, où défilent chaque vendredi des cortèges gigantesques pour demander le départ de M. Bouteflika, de son entourage et du "système", on reste largement circonspect.
Les efforts de mise à l'écart du chef de l'Etat sont un "cadeau empoisonné", juge Ahcene Zenati, économiste de la santé, 45 ans, car "avec cette décision (de demander la mise en oeuvre l'article 102), on garde le système" au pouvoir.
Pour le moment, il n'y a "rien de concret", rappelle Yahia, technicien de laboratoire de 64 ans, et "le peuple va peut-être demander davantage" qu'un départ de Bouteflika du pouvoir.
Retraité, Hassan en est certain, la contestation "est un soulèvement populaire.Les manifestations pacifiques vont continuer jusqu'au départ de tout le gouvernement".
Mercredi matin encore, quelques centaines de chercheurs se sont rassemblés sur le parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans la capitale, pour chanter "Y en marre de ce pouvoir".
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