Sa situation, plus que vulnérable, l'a qualifiée directement au premier programme d'aide sociale mis en place par le gouvernement de Muhammadu Buhari en janvier 2017: 300.000 personnes, parmi les plus pauvres des pauvres recoivent 5.000 nairas (12 euros) par semaine d'aide gouvernementale.
Grâce à ce coup de pouce, Ladi estime qu'elle peut gagner maintenant 2.000 nairas (5 euros), "les bonnes semaines".
"Avant je devais emprunter de l'argent pour démarrer une production", raconte-t-elle à l'AFP, en versant le savon brûlant, couleur charbon, dans des moules.
"Maintenant, je peux me débrouiller toute seule", assure-t-elle, avec une certaine fierté.La mère de famille peut également envoyer deux de ses enfants à l'école, dont le coût de 10.000 nairas par an (25 euros), était écrasant pour le foyer.
Dans la ville de Garaku, où vivent essentiellement des petits agriculteurs de subsistance ou des vendeurs à la sauvette, quelque 1.400 personnes bénéficient de ce "Programme conditionnel de Transfert d'Argent" (Conditional Cash Transfer, CCT).
Actif dans 27 des 36 Etats que compte le Nigeria, géant de 190 millions d'habitants, le programme était une promesse de campagne du président Buhari pour sa première élection en 2015.
Aujourd'hui, alors que le chef de l'Etat vient d'être élu pour un second mandat, on reste loin de l'ambition d'atteindre un million de Nigérians pauvres d'ici la fin 2017, avec seulement 300.000 personnes concernées.
Mais c'est un programme inédit dans un pays de tradition libérale, où l'Etat est quasiment absent dans tous les domaines sociaux.
Des aides étaient versées sporadiquement sous divers programmes avant l'arrivée du président Buhari au pouvoir, mais l'argent était souvent détourné et les politiques sociales se sont effondrées.
Le gouvernement actuel, avec la mise en place du CCT ou encore de programmes de distribution alimentaire dans les écoles primaires, ou des micro-crédits pour les femmes, se présente comme proche des gens et des plus pauvres.
Il affirme que ces aides sont en partie financées par les 321 millions de dollars de fonds volés par l'ancien dictateur militaire Sani Abacha, et rapatriés de ses comptes en Suisse.
Mais le Nigeria a également fait une demande d'emprunt de près de 3 milliards de dollars sur trois ans à la Banque Mondiale (BM), qui encourage ces aides dans les pays en développement pour "soutenir la croissance économique".
- Nigérians ordinaires -
Pour Henry Ayede, employé au sein du programme de transfèrement d'argent à Abuja, le but "est d'aller frapper aux portes des Nigérians ordinaires".
"C'est ce que nous faisons, mais ça implique de nombreux défis", poursuit-il.
L'une des plus grandes difficultés est d'abord d'identifier les personnes éligibles dans un pays sans recensement à jour, où les plus pauvres n'ont pas d'existence administrative, ni de documents d'identité, notamment dans les régions rurales, qui comptent encore la moitié des 190 millions de Nigérians.
Autre problème: sélectionner les 300.000 bénéficiaires.Le Nigeria a dépassé l'Inde l'année dernière en nombre de personnes vivant avec moins d'1,9 dollar par jour et est devenu le pays au monde qui compte le plus grand nombre de personnes dans l'extrême pauvreté (83 millions, près de la moitié de la population totale).
Les critères ont été compliqués à mettre en place, explique Binta Muhammed, coordinatrice du programme à Garaka.
"Vous avez un vélo?Vous avez une radio?Un téléphone?Ce sont le genre de questions que l'on pose aux gens", raconte-t-elle à l'AFP.
"Si vous avez un ventilateur dans votre maison, vous êtes disqualifié".
Les chefs communautaires sont également impliqués dans le processus pour calmer les jalousies et s'assurer que les personnes sont effectivement éligibles.
"Chaque transfert est surveillé, vérifié et enregistré", assure-t-on au siège à Abuja."C'est un processus complètement transparent", insiste M. Ayede.
- curseur de la pauvreté -
Si ces programmes sont nécessaires dans les pays en développement, ils peuvent toutefois encourager le clientélisme et la corruption.
Atiku Abubakar, candidat perdant de la dernière présidentielle, a dénoncé une technique pour "acheter les voix électorales des pauvres", dans certaines zones qui ne sont pas forcément des soutiens du parti au pouvoir.
Beaucoup d'économistes, de philosophie libérale, dénoncent le fait que le CCT ne "fasse pas bouger le curseur" de la réduction de la pauvreté endémique, alors que le pays, premier producteur de pétrole du continent produit 2 millions de barils de pétrole par jour.
Pour l'instant, aucune étude n'a été réalisée pour analyser l'impact global sur les communautés qui en bénéficient, et le gouvernement n'a fait aucune annonce concernant la suite du programme, lorsqu'il prendra fin dans trois ans.
Mais pour l'instant, pour des personnes comme Mme Kodi, chaque naira compte.Et elle l'assure sans ciller: "Cela a changé nos vies".
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