Ihsan Fagiri, médecin de 65 ans et cofondatrice du mouvement "Non à l'oppression des femmes", affirme que parmi les manifestants qui réclament depuis le 19 décembre le départ du président Omar el-Béchir, beaucoup sont des femmes.
"Car depuis le premier jour, ce gouvernement a fait des lois contre les femmes.Ne portez pas de pantalon, couvrez vos cheveux, ne parlez pas fort...", explique à l'AFP cette professeure de l'université de Bahri, à Khartoum.
La charia (loi islamique), instaurée en 1983 dans le pays, a été pérennisée par le coup d'Etat mené en 1989 par Omar el-Béchir, soutenu par les islamistes.
Aujourd'hui, les femmes sont "partout, dans la rue, dans les prisons", souligne Sara Abdelgalil, 44 ans, présidente de la branche britannique du Syndicat des médecins soudanais (SDU), membre de l'Association des professionnels soudanais, fer de lance de la contestation.
Sous le régime de M. Béchir, qui a condamné à la flagellation 15.000 femmes en 2016 selon des ONG soudanaises, les femmes sont "traitées comme des citoyennes de seconde zone", abonde Nemat Malik, infirmière de 80 ans.
Professeure à l'université pour femmes d'Ahfad dans la capitale soudanaise, elle se réjouit de voir des jeunes --dont de nombreuses étudiantes-- dans les cortèges, malgré l'agressivité des forces de sécurité soudanaises à leur encontre.
Ihsan Fagiri, professeure associée de l'université de Bahri à Khartoum, affirme que les jeunes femmes qui osent manifester reçoivent des menaces de viol ou de violences physiques."Nous, les plus âgées, on nous menace de ne plus revoir nos familles".
- "Ils ne m'effraient plus " -
Elle-même a été détenue pendant deux mois et demi, affirme-t-elle.
Arrêtée dans la rue alors qu'elle s'apprêtait à rejoindre les manifestations, elle raconte avoir été emprisonnée avec neuf autres femmes dans une pièce de six mètres sur quatre, équipée de seulement cinq lits et éclairée par deux petites fenêtres de vingt centimètres sur douze.
Diabétique, elle n'a pas pu prendre son traitement pendant quinze jours et n'a pas eu de contact avec sa famille pendant un mois. "Mon fils pensait que j'étais morte", confie-t-elle.
Elle a finalement été relâchée le 8 mars "pour la Journée internationale des droits des femmes", rit-elle avec amertume.
Le président Béchir avait en effet ordonné ce jour-là la libération de toutes les femmes détenues depuis le début des manifestations, mais le nombre de libérations n'a pas été communiqué.
"Peut-être qu'ils m'arrêteront encore...Ils ne m'effraient plus", affirme Mme Fagiri.Avec "tous ces gens qui se rassemblent, c'est une question de jours ou de semaines" pour que le régime tombe, selon elle.
- "L'an un" après Béchir -
C'est dans cette perspective qu'elle est venue à Londres avec des confrères et consoeurs, qui préparent déjà l'après Béchir.
Ils ont ainsi approuvé une liste d'objectifs en matière de santé pour "l'an un", c'est-à-dire l'année qui suivra la chute du président, qui n'a pas hésité à prendre pour cible le personnel de santé.
D'après un rapport paru vendredi de l'ONG "Physicians for Human Rights", basée à New York, au moins sept établissements médicaux ont subi des attaques des forces gouvernementales entre le 19 décembre 2018 et le 17 mars 2019, et au moins 136 membres du personnel ont été arrêtés.
Deux étudiants en médecine et un médecin ont aussi été tués au cours de cette période, tandis que quinze médecins étaient encore emprisonnés au moment de la parution du rapport.
"Nous espérons que notre grande conférence aura lieu bientôt à Khartoum", affirme avec détermination Sara Abdelgalil.
Lundi, des troupes ont été déployées par l'armée soudanaise devant son quartier général, où des milliers de manifestants campent depuis trois jours pour demander aux militaires de soutenir la contestation.
Selon Sara Abdelgalil, "la révolution est en train de gagner".
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