Depuis le début le 22 février d'un mouvement de contestation inédit qui a contraint M. Bouteflika à la démission le 2 avril, la justice a lancé plusieurs enquêtes et écroué de puissants hommes d'affaires, la plupart soupçonnés d'avoir profité de leurs liens avec l'ex-président ou son entourage pour obtenir des avantages ou des marchés publics.
M. Sellal est arrivé dans la matinée à la Cour suprême, seule juridiction compétente pour instruire les infractions qu'auraient commises dans l'exercice de leurs fonctions les membres du gouvernement, les walis (préfets) et de hauts magistrats.
Il a été entendu "dans des affaires concernant la dilapidation des deniers publics, d'abus de fonction et d'octroi d'indus privilèges" par un juge d'instruction qui a ensuite ordonné son placement en détention provisoire à la prison d'El Harrach, dans la banlieue d'Alger, selon l'agence de presse officielle APS.
Premier ministre de 2012 à 2017, M. Sellal fut également à quatre reprises le directeur de campagne de M. Bouteflika lors des présidentielles de 2004, 2009, 2014 et de celle du 18 avril 2019 qui a été annulée et au cours de laquelle M. Bouteflika entendait briguait un 5e mandat.
Cette perspective a déclenché la contestation toujours en cours.De nouvelles manifestations sont prévues vendredi.
- "Règlements de comptes" -
Mercredi, Ahmed Ouyahia, quatre fois chef du gouvernement entre 1999 et 2019, dont trois sous la présidence de M. Bouteflika, a été placé en détention préventive.
Il est poursuivi pour "octroi d'avantages injustifiés dans un contrat ou un marché public", "dilapidation de fonds publics", "abus de fonctions" et "conflit d'intérêt" portant atteinte aux procédures de passation des marchés publics, selon un communiqué de la Cour suprême.
Après les relais financiers, "la justice s'attaque maintenant à l'aile politique du clan Bouteflika", a expliqué à l'AFP Rachid Grim, enseignant en Sciences politiques à l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP).
Mais les observateurs s'inquiètent d'une possible instrumentalisation de la justice, longtemps muselée, face à une corruption au grand jour.
"L'intérêt de ceux qui orientent les enquêtes est de plaire au peuple (...) Ils veulent convaincre le +hirak+ (mouvement) que les choses changent.Il y a aussi des règlements de comptes au sein du pouvoir", a précisé M. Grim.
La chaîne privée El Bilad a diffusé des images montrant une foule d'Algériens attendant le fourgon cellulaire de M. Sellal devant la prison d'El Harrach, où sont incarcérés M. Ouyahia et d'influents hommes d'affaires.
La veille, une foule avait accueilli le fourgon amenant M. Ouyahia en criant "Voleurs, vous avez pillé le pays!", un slogan de la contestation.Certains avaient bombardé le véhicule de yaourts, en référence à une petite phrase de l'ex-Premier ministre qui avait un jour expliqué, à propos d'une hausse des prix des produits laitiers, que les Algériens n'étaient pas obligés de manger des yaourts.
- Nombreux dossiers -
Plusieurs hauts responsables politiques, anciens ou en fonctions, ont été entendus dans des enquêtes sur des faits de corruption et le Parquet d'Alger a annoncé en mai avoir transmis à la Cour suprême les dossiers de MM.Ouyahia et Sellal, de huit anciens ministres et de deux anciens walis.
Selon les médias publics, ils sont visés dans le cadre des enquêtes ouvertes contre Ali Haddad, ancien patron des patrons, fondateur et PDG du n°1 privé des travaux publics en Algérie.
Présenté comme l'un des principaux contributeurs financiers des dernières campagnes présidentielles de M. Bouteflika, M. Haddad est soupçonné d'avoir usé de ses liens privilégiés avec l'entourage présidentiel pour obtenir de gigantesques marchés publics.
Figuraient également sur cette liste, Abdelghani Zaalane, ex-ministre des Travaux publics, et Amara Benyounes, plusieurs fois ministre.
M. Zaalane, qui avait succédé brièvement à M. Sellal comme directeur de campagne de M. Bouteflika, a été inculpé mercredi des mêmes chefs que M. Ouyahia mais a été relâché sous contrôle judiciaire.
Selon la télévision nationale, M. Benyounes, président du Mouvement populaire algérien, petit parti ayant soutenu M. Bouteflika, est lui aussi entendu jeudi par le juge d'instruction de la Cour suprême.
Le Parquet a de son côté transmis le 10 juin les dossiers de 11 responsables ou ex-responsables soupçonnés dans une affaire de corruption visant Mahieddine Tahkout, 56 ans, puissant homme d'affaires incarcéré, proche également de M. Bouteflika.
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