Devenir rentable, le prochain défi de Jumia, "l'Amazon africain"

Infos. Le franco-canadien Sacha Poignonnec, co-fondateur de Jumia, le leader africain du commerce en ligne, assure, dans un entretien à l'AFP, que le prochain défi de sa plateforme, surnommée l'"Amazon africain", sera d'atteindre la rentabilité, sept ans après sa création.

Devenir rentable, le prochain défi de Jumia, "l'Amazon africain"

Entré à la Bourse de New York en avril dernier, Jumia, présent dans 14 pays soit presqu'autant que le colosse américain aux 233 milliards de dollars de ventes annuelles, a dégagé en 2018 un chiffre d'affaires de 130,6 millions d'euros, en forte hausse de 40% sur un an.

Mais, en dépit d'importantes levées de fonds dont 196 millions de dollars grâce à sa cotation à Wall Street, le groupe qui comptait 4 millions d'utilisateurs actifs fin 2018, reste fortement déficitaire.

Question: Quelle est la genèse de Jumia ?

Réponse: "(Avec le Français Jérémy Hodara, l'autre fondateur et dirigeant), nous avons fondé Jumia sur la base d'un constat simple, c'était que le e-commerce était en train de se développer partout dans le monde mais pas encore en Afrique.Pourtant, on voit qu'il y a là un énorme besoin de la part des vendeurs et des clients de pouvoir avoir accès à des services digitaux (numériques, NDLR).L'entreprise a démarré au Nigeria, en Egypte, au Maroc et en Afrique du Sud.Aujourd'hui, nous sommes présents dans 14 pays en Afrique, qui couvrent quasiment 700 millions d'habitants.Près de 6.000 collaborateurs travaillent chez nous et plus de 80.000 vendeurs ont écoulé leurs produits sur Jumia l'année dernière".

Q: Comment qualifieriez-vous le marché de la distribution en Afrique, et plus particulièrement celui du commerce en ligne ?

R: "Il est très particulier.Dans la distribution physique, il est l'un des plus difficiles au monde parce qu'il y a très peu de magasins en Afrique et que les infrastructures sont très difficiles pour distribuer les produits.Du coup, le e-commerce offre une vraie solution, même s'il est nouveau.Aujourd'hui, moins de 1% du commerce (en Afrique) se fait en ligne alors qu'en Chine, cette proportion est de 20%.Le e-commerce en est donc à ses débuts en Afrique mais il est en forte croissance, de l'ordre de 60% chez Jumia en ce moment".

Q: Comment gérez-vous l'aspect logistique de votre activité ?

R: "Nous nous appuyons sur un réseau de plusieurs centaines de partenaires locaux qui connaissent très bien les régions et les spécificités locales, et nous avons développé pour eux de la technologie, des outils, de la data (analyse de données), des procédés, que nous mettons à leur disposition pour les aider à opérer de la façon la plus efficace.Et enfin, nous avons un réseau d'entrepôts et de lieux physiques que nous opérons nous-mêmes.Ainsi, 50% de nos colis vont être livrés dans les grandes villes, et le reste dans des zones secondaires, voire rurales.Quant à nos clients, ils utilisent à 80% leurs téléphones mobiles pour passer leurs commandes".

Q. Justement, quels sont les produits plébiscités par vos consommateurs ?

R: "Certains des besoins de nos clients sont les mêmes qu'ailleurs (téléphones, téléviseurs, produits du quotidien) mais on a aussi des catégories qui sont très spécifiques: soins, maquillage, coiffure, mode...Et c'est d'ailleurs pour cela qu'on s'est construit comme une place de marché, pour associer clients et vendeurs locaux".

Q: A présent que la société est entrée en Bourse, comment voyez-vous son avenir ?

R: "On va continuer notre stratégie actuelle qui consiste à promouvoir le e-commerce auprès des clients qui ne connaissent pas et continuer à construire la croissance de la société, mais aussi, bien sûr, à atteindre la rentabilité: on a ouvertement annoncé qu'elle faisait partie de nos objectifs mais sans donner de date".

Q: On vous compare souvent à Amazon, qu'en pensez-vous?

R: "Effectivement, c'est un raccourci qui est facile et logique, qu'on accepte avec plaisir, même si le e-commerce n'a rien à voir en Afrique avec celui en Europe ou aux Etats-Unis.Notre stratégie a été de se dire que le e-commerce n'est pas encore présent en Afrique, c'est donc une superbe opportunité de créer cette offre, désormais présente dans 14 pays.Quant à Amazon, ils sont présents dans une quinzaine de pays, et Alibaba dans cinq".

Propos recueillis par Laure BRUMONT

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