Le gouvernement nigérian avait annoncé dès lundi vouloir prendre des "mesures décisives" contre l'Afrique du Sud, où des attaques et des pillages de commerces, plus ou moins visés contre les étrangers se sont propagées comme une traînée de poudre aux quatre coins du pays et ont fait 7 morts depuis le début de semaine.
Bien que l'on ne connaisse pas la nationalité des victimes, le président Muhammadu Buhari a aussitôt exprimé "son mécontentement du traitement infligé à ses concitoyens" et a assuré vouloir "garantir leur sécurité".
L'Afrique du Sud est le théâtre régulier de violences xénophobes, qui ont déjà fait 7 morts en 2015, et 62 morts en 2008.
Ces derniers jours, les Nigérians n'apparaissaient pas plus visés que les nombreux autres immigrés (Somaliens, Zimbabwéens, Mozambicains, Bangladais, Malawites,...) mais les deux pays, qui rivalisent depuis des années pour être reconnus "première économie du continent", s'affrontent régulièrement sur la scène diplomatique, dans la rue ou sur la Toile.
Mercredi, les journaux locaux titraient en une sur la "colère après la mort des Nigérians en Afrique du Sud" et les images des townships en feu tournaient en boucle sur les télévisions nigérianes.
Mercredi, le géant ouest-africain, d'un marché de 190 millions d'habitants et qui exporte 2 millions de barils de pétrole par jour, a annoncé qu'il boycottait le Forum Économique Mondial qui s'est ouvert mercredi au Cap.
- Boycottage contre-productif -
Mais les plus grands ambassadeurs du Nigeria sont sans aucun doute ses chanteurs, stars intercontinentales aux dizaines de millions d'abonnés Instagram ou Twitter.
Burna Boy a assuré avoir été victime de racisme antinigérian en Afrique du Sud en 2017 et de ne plus y avoir mis un pied depuis.
"Je ne retournerai plus jamais en Afrique du Sud, jusqu'à ce que le gouvernement sud-africain se réveille", a déclaré la star du moment sur le continent et au sein de la diaspora.
Sa compatriote, Tiwa Savage (8 millions d'abonnés sur Instagram) a, elle, annulé l'un de ses prochains concerts à Johannesburg: "Je refuse de voir mon peuple massacré en Afrique du Sud".
Des centaines de milliers d'internautes ont appelé au boycottage des grandes marques sud-africaines, et des échauffourées ont éclaté devant les enseignes des supermarchés Shoprite, obligeant à un renforcement de la sécurité dans le pays.
Le géant sud-africain des télécoms MTN a annoncé avoir fermé temporairement ses agences à travers le pays, après que des magasins ont été attaqués à Lagos, Ibadan (sud-ouest) et Uyo (sud-est).
"Les appels au boycottage sont totalement contre-productifs", analyse pourtant Nonso Obikili, économiste nigérian basé à Abuja."Les sociétés sud-africaines qui sont implantées ici emploient des Nigérians, proposent leurs services ici, donc les boycotter serait autant dommageable pour nous que pour eux."
Toutefois, cet appel a été largement repris sur la Toile à travers le continent, où l'influence des sociétés sud-africaines reste très importante.
- Modération -
En Afrique subsaharienne, la rancoeur à l'encontre des Sud-Africains n'a toutefois pas tourné au conflit diplomatique et de nombreux gouvernements ont certes dénoncé les violences, mais sont restés beaucoup plus mesurés.
La ministre des Affaires étrangères au Kenya a regretté les actes xénophobes, mais a aussitôt "salué la condamnation de ces attaques par le gouvernement sud-africain".
La conseillère du président rwandais a réfuté les allégations selon lesquelles Paul Kagame avait également boycotté le Forum Economique Mondial du Cap, assurant sur son compte Twitter que "le président n'avait pas pu s'y rendre pour d'autres raisons" et que "la délégation rwandaise était très importante".
Le ministre congolais de la Diaspora, Emmanuel Ilunga, assure que son ambassadeur "est en contact permanent avec la police sud-africaine (...) pour protéger ses compatriotes".
"Il n'y aucun Congolais victime de ces actes en Afrique du Sud jusque là", a-t-il précisé."Il n'y a donc aucune raison d'aller manifester devant l'ambassade d'Afrique du Sud", a asséné le ministre répondant à un appel à la fermeture de l'ambassade à Kinshasa lancé sur les réseaux sociaux.
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