Depuis le début le 4 avril de l'offensive de l'homme fort de l'est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, sur la capitale Tripoli, siège du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par l'ONU, les lignes de front ont peu bougé.
Face au statu quo, les camps rivaux se sont tournés vers des armes plus sophistiquées, dans l'espoir de prendre le dessus dans cette bataille qui a déjà fait plus de 1.000 morts et forcé 120.000 personnes à quitter leurs foyers, selon l'ONU.
La Libye est "probablement le plus grand théâtre de guerre de drones au monde", a déclaré cette semaine l'émissaire des Nations unies, Ghassan Salamé.
Cité par les services de presse de l'ONU, M. Salamé a relevé une "utilisation beaucoup plus intense des drones", à 600 reprises par un camp et 300 de l'autre, sans préciser de quels camps il s'agissait.
Les drones sont entrés en jeu en juin, malgré un embargo sur les armes imposé par l'ONU à la Libye depuis la révolte de 2011 qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi.
"Compte tenu de l'utilisation intensive des moyens aériens lors du premier mois de l'offensive (...), la plupart des avions de combat des deux forces aériennes sont immobilisés" pour des besoins de "maintenance", affirme Arnaud Delalande, spécialiste des questions de défense.
- "Engagement direct" -
"Ne voulant pas rester sans puissance aérienne, Haftar et le GNA semblent s'être tournés en urgence vers un autre type d'engin: les drones", explique-t-il à l'AFP.
Selon des analystes et experts, le maréchal Haftar s'est procuré des drones Wing Loong de fabrication chinoise auprès de son principal allié, les Emirats arabes unis.
En face, le GNA s'est tourné vers Ankara, qui soutient de moins en moins discrètement ses forces, pour s'équiper de drones turcs de type Bayraktar.
Depuis, l'objectif de chaque camp a été de détruire les drones de l'adversaire et leurs centres de commandement.
Ainsi, les forces du maréchal Haftar ont mené à plusieurs reprises des raids aériens contre l'aéroport de Mitiga, le seul fonctionnel de la capitale libyenne mais actuellement fermé, affirmant à chaque fois viser des drones turcs ou le centre de commandement de ces appareils.
"Cette guerre aérienne est devenue un engagement direct entre les deux principaux sponsors de l'ANL (Armée nationale libyenne autoproclamée par le maréchal Haftar) et du GNA", respectivement Abou Dhabi et Ankara, indique M. Delalande.
Ahmad al-Hasnaoui, un général libyen à la retraite, estime que du côté du camp Haftar, les drones soutiennent les forces terrestres et jouent "un rôle important pour affaiblir les forces et les lignes de ravitaillement" des pro-GNA.Et vice-versa.
- "Pas une fin en soi" -
L'analyste libyen Jalal al-Fitouri souligne également le "rôle crucial" des drones dans la bataille de Tripoli, et note une "intensification" depuis fin juin des raids aériens contre les bases de décollage de drones des deux camps rivaux.
"Les Wing Loong des Emirats arabes unis traquent les pistes de décollage des Bayraktar afin de détruire le potentiel aérien du GNA, mais n'y parviennent pas", selon M. Delalande.
"Les Turcs ont diversifié leur mode d'action en utilisant des routes pour faire décoller leurs appareils et en éparpillant des antennes relais sur l'ensemble de la zone entre Tripoli, Misrata et al-Jufra (centre) pour augmenter le rayon d'action de leurs drones", ajoute l'expert.
Wing Loong ou Bayraktar?Indépendamment de qui l'emportera, "les drones ne sont pas une fin en soi" si les forces terrestres ne progressent pas, relève M. Delalande.
Face au statu quo sur le terrain, l'ONU encourage les belligérants libyens à faire taire les armes et relancer un processus politique compromis depuis le déclenchement de l'offensive du maréchal Haftar.
Mais pour M. Delalande, ce dernier "pousse les Emirats arabes unis à s'engager encore davantage".
"Des frappes de Mirage (utilisés par les forces aériennes émiraties) ne sont pas à exclure dans les prochaines semaines", dit-il.En face, Ankara "ne cache plus son soutien à Tripoli, sans pour autant engager directement son potentiel aérien".
Début septembre, M. Salamé, avait lancé un nouvel appel à la communauté internationale pour mettre fin au conflit, craignant "une intensification des soutiens militaires" à l'une ou l'autre partie qui "plongerait l'ensemble de la région dans le chaos".
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