Au Zimbabwe, la "bataille pour le corps" de Mugabe a fait rage jusqu'au bout

Infos. L'ex-président du Zimbabwe Robert Mugabe a finalement été enterré dans son village natal de Kutama (nord-ouest) dans une tombe en...béton, dernière péripétie de trois semaines d'une bataille au couteau entre sa famille et les autorités.

Au Zimbabwe, la "bataille pour le corps" de Mugabe a fait rage jusqu'au bout

Sa dépouille a été inhumée samedi lors d'une cérémonie ouverte quasi-exclusivement à proches, dans une cour de sa propriété de Kutama, à une centaine de kilomètres de la capitale Harare.

La protection de la tombe a fait l'objet d'une attention toute particulière, digne de celle d'un trésor national.

Au fond de la fosse, le cercueil a été placé dans un conteneur fermé d'un couvercle de couleur bordeaux marqué d'une plaque aux armes de "R.G.Mugabe".Et comme si cette enveloppe ne suffisait pas, de lourds blocs de béton ont ensuite été empilés par-dessus, a constaté un photographe de l'AFP.

Pourquoi donc avoir ainsi transformé la dernière demeure de l'ancien dirigeant du pays en coffre-fort ?

"On voulait un cercueil inviolable à cause des rituels", a confié à une télévision locale le neveu du défunt et porte-parole de la famille, Leo Mugabe.

Son oncle, a-t-il ajouté, aurait confié avant sa mort à son épouse Grace Mugabe sa peur que ses adversaires volent des parties de sa dépouille pour des pratiques occultes."Des gens aimeraient bien son corps ou certains morceaux", a expliqué Leo Mugabe.

Robert Mugabe est mort le 6 septembre à 95 ans dans un hôpital de Singapour où il se faisait soigner depuis des années.

- Légitimité -

Après avoir régné d'une main de fer sur le Zimbabwe pendant trente-sept ans, il a été déposé en novembre 2017 par un coup de force de l'armée et de son parti, la Zanu-PF, qui ont installé à sa place son ex-vice-président Emmerson Mnangagwa.

Jusqu'à son dernier souffle, le "camarade Bob" a nourri une rancune tenace envers son successeur et ses alliés, qu'il a publiquement qualifiés de "traîtres".

Fruit de ces tensions, sa dépouille a fait l'objet d'un bras de fer entre ses proches et le gouvernement.

Robert Mugabe devait initialement reposer au Panthéon national des héros de la "lutte de Libération", à Harare, ainsi que le souhaitaient les autorités.

"L'Etat avait intérêt à (prendre le contrôle) du corps de Mugabe parce qu'il a besoin de légitimité", commente l'analyste politique indépendant Richard Mahomva.

Mais sa famille a eu le dernier mot en obtenant que l'ancien président soit enterré dans son fief de Kutama.

"Nous n'avons fait que respecter ses volontés", a plaidé samedi lors de son enterrement une des s-urs de sa veuve, Shuvai Gumbochuma."Il a dit lui-même qu'il ne voulait pas être enterré au Champs des héros (...) parce qu'il avait été humilié" par ceux qui l'ont poussé à la démission.

Un membre de la famille a révélé à l'AFP qu'il avait été question à un moment de l'inhumer à Harare dans sa propriété géante aux allures de pagode chinoise, le fameux "Toit bleu".

- Rituels -

Mais, selon cette source ayant requis l'anonymat, la municipalité interdit tout enterrement hors des cimetières.

Depuis son retour de Singapour jusqu'à son inhumation, le sort réservé à la dépouille de Robert Mugabe a nourri la controverse politique et les rumeurs les plus folles.

Samedi, la s-ur du défunt, Regina Gata, a publiquement remercié Grace Mugabe pour avoir "tenu bon et défendu le corps pour empêcher qu'il soit profané".Elle aussi a accusé, sans les nommer, certains de vouloir se livrer avec à des rituels.

"On a tenu bon parce que Mugabe était chrétien", a-t-elle assuré.

Le membre de la famille qui s'est confié à l'AFP a toutefois affirmé que, quelques heures avant son enterrement, sa veuve Grace et une poignée de proches se sont mystérieusement enfermés dans la pièce où reposait son cercueil.

"On ne sait pas ce qu'ils ont fait mais certains membres de la famille soupçonnent des rituels", a-t-il suggéré.Interrogé par l'AFP, Leo Mugabe s'est refusé à tout commentaire.

Cette "bataille du corps" a ravivé les crispations entre le camp de M. Mnangagwa et le dernier carré des fidèles de M. Mugabe.

Le porte-parole de la Zanu-PF, Simon Khaya Moyo, s'est dit avant l'enterrement "choqué" par la "discrète confiscation" de la dépouille, déplorant un "stratagème politique".

L'analyste Mahomva s'indigne lui aussi que l'héritage du "héros" de l'indépendance ait été "privatisé", "dévalorisé" et "ruralisé" par son inhumation au village."Ça efface son illustre contribution à la naissance du Zimbabwe", regrette-t-il.

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