Depuis les révoltes de Tunisie et d'Egypte, des voix plus pressantes se font entendre au Maroc pour réclamer des réformes, mais sans remettre en cause la monarchie dans ce pays jusqu'ici épargné par la contagion.
"Beaucoup pensent qu'une réforme constitutionnelle permettant au Maroc de se doter d'institutions plus modernes est nécessaire", estime Driss Benali, économiste et analyste de la scène marocaine, évoquant une évolution vers une monarchie dotée de moins de pouvoirs.
Cette semaine, un important mouvement islamiste marocain, l'association Justice et Bienfaisance - non reconnue mais tolérée - a réclamé un "changement démocratique urgent" au Maroc, en saluant les événements de Tunisie et d'Egypte.
"Il est injuste que la richesse du pays soit accaparée par une minorité", a accusé le mouvement, dans un texte publié sur son site.
Le Maroc, où les inégalités demeurent fortes, ne connaît pas de mouvements de contestation importants, mais les récentes convulsions en Tunisie et en Egypte ont été suivies attentivement dans les grandes villes grâce à la chaîne qatarie Al-Jazeera.
De jeunes Marocains ont lancé récemment sur Facebook un mouvement, soutenu par quelques milliers de sympathisants, en faveur de manifestations pacifiques, le 20 février, pour une "large réforme politique".Et un débat s'amplifie sur le web sur l'opportunité ou non de changements.
Le prince Moulay Hicham, cousin du roi Mohammed VI et surnommé le "prince rouge" en raison de ses critiques contre la monarchie, a averti dans des interviews à des médias étrangers que le Maroc "ne serait probablement pas une exception" dans la contestation actuelle.
En visite à Rabat, le commissaire européen à l'élargissement Stefan Füle a pour sa part demandé aux autorités marocaines d'aller plus loin dans les réformes en particulier pour l'éradication de la pauvreté.
Mais les autorités se déclarent "sereines", soulignant que le pays est "engagé depuis longtemps dans un processus irréversible de démocratie".Elles ont toutefois maintenu les subventions pour éviter une hausse des prix des denrées de base comme la farine, le sucre ou le gaz butane.
Pour Driss Benali, "la société marocaine n'est pas à l'abri de ce qui se passe ailleurs" et "plutôt que de subir les événements, il vaudrait mieux les anticiper et faire des réformes".
Le Maroc a un avantage: "la légitimité de sa monarchie".Le roi, qui a accédé au trône en 1999 "n'est pas usé par le pouvoir", et le Maroc doit évoluer vers un système "où le roi finira par régner sans gouverner", mais cela doit se faire "par étapes", dit-il.
Le Maroc est une "monarchie constitutionnelle", dans laquelle le monarque dispose de pouvoirs très étendus.
Considéré comme l'un des plus importants mouvements islamistes au Maroc, Justice et Bienfaisance, qui revendique jusqu'à 200.000 adhérents, ne conteste pas la légitimité de la monarchie mais refuse de reconnaître le statut de "Commandeur des croyants" du souverain chérifien.
"C'est un islamisme contestataire, qui cherche à faire des changements de manière pacifique (...) Il ne parle pas d'abolition de la monarchie", dit à l'AFP Mohamed Darif, spécialiste de l'Islam."Il existe aussi des islamistes "intégrés", avec le Parti Justice et Développement (PJD) qui fait partie de l'opposition parlementaire.
Au delà de la particularité de sa monarchie, le Maroc, pays de 32 millions d'habitants, comporte un certain nombre de points communs avec la Tunisie, note de son côté l'économiste Najib Akesbi: "une population jeune, largement désoeuvrée, en butte à des problèmes de formation et d'emploi et sans perspective d'avenir avec un horizon politique assez fermé".
M. Akesbi évoque aussi "la corruption et le népotisme", soulignant que le Maroc (85e) est classé nettement derrière la Tunisie (59e) dans le dernier classement de Transparency International sur la corruption.
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