Le président Hosni Moubarak a annoncé jeudi qu'il déléguait ses pouvoirs au vice-président Omar Souleimane, dans une allocution prononcée alors que des dizaines de milliers de manifestants rassemblés sur la place Tahrir au Caire étaient survoltés à la suite d'intenses spéculations sur son départ imminent du pouvoir.
"Je suis conscient du danger que représente cette croisée des chemins (...) et cela nous impose de faire passer d'abord les intérêts supérieurs de la nation", a déclaré M. Moubarak. "J'ai décidé de déléguer mes pouvoirs au vice-président conformément à ce que dit la Constitution", a-t-il dit.
Dans cette intervention retransmise par la télévision égyptienne, il Moubarak a précisé que "la transition du pouvoir va d'aujourd'hui à septembre" et ajouté qu'il n'accepterait "pas de diktats étrangers".
Dans la soirée, le président s'était réuni avec Omar Souleimane avant de rencontrer le Premier ministre Ahmad Chafic, selon la télévision.
L'armée a annoncé de son côté qu'elle examinait les "mesures" nécessaires "pour préserver la Nation" et "appuyer les demandes légitimes du peuple", faisant vaciller le régime déjà fortement fragilisé de M. Moubarak, au pouvoir depuis 1981.
A Washington, le directeur de la CIA Leon Panetta a jugé "fort probable" le départ prochain du raïs estimant qu'Omar Souleimane était le remplaçant vraisemblable du président Moubarak.
Le président des Etats-Unis Barack Obama a affirmé pour sa part que les événements en Egypte montraient que "l'histoire est en marche" dans ce pays.
Tout en soulignant que la situation restait encore incertaine, M. Obama a assuré que "ce qui est parfaitement évident est que nous sommes les témoins de l'histoire en marche".
L'informaticien Waël Ghonim, devenu un cybermilitant icône du soulèvement, a affirmé sur son compte Twitter "Mission accomplie", convaincu que le président allait annoncer son départ dans la soirée.
Sur la place Tahrir, coeur de la contestation anti-Moubarak depuis 17 jours, les manifestants, plus nombreux que jamais en soirée, étaient en liesse et le rassemblement restait pacifique.
Selon un photographe de l'AFP, quelque 200.000 personnes y étaient rassemblées.
"Je suis ici parce que je ne veux pas rater ce moment, le moment où il partira.Je suis surexcitée", affirme Alia Mossallam, 29 ans.
"Le peuple a fait tomber le régime!" scandaient les manifestants alors que circulaient des rumeurs sur une possible prise du pouvoir par l'armée.
Les soldats se trouvant aux entrées de Tahrir n'ont pas bougé, de même que les chars déployés sur plusieurs accès de la place.
Le secrétaire général du Parti national démocrate (PND) de M. Moubarak, Hossam Badrawi, a indiqué à la BBC que le chef de l'Etat pourrait "répondre aux revendications du peuple" dans les heures à venir.
La télévision publique a interrompu ses programmes pour diffuser un texte de l'armée, lu par un militaire et présenté comme "le communiqué numéro un" du conseil suprême des forces armées.
Elle a fait état de son soutien aux "demandes légitimes du peuple" et indiqué que le conseil suprême des forces armées restait en session permanente.
M.Badrawi a affirmé s'attendre "à ce que le président réponde aux revendications du peuple parce que ce qui lui importe à la fin, c'est la stabilité du pays, le poste ne lui importe pas actuellement".
Le Premier ministre a toutefois affirmé à la télévision d'Etat que "tout était entre les mains de Moubarak".
Jeudi, le mouvement de protestation s'était étendu à divers secteurs sociaux, les anti-Moubarak se mobilisant toujours massivement malgré la menace du pouvoir de faire intervenir l'armée en cas de "chaos".
Des employés de la plus grande usine textile d'Egypte, employant 24.000 personnes à Mahallah dans le delta du Nil, ont indiqué à l'AFP avoir entamé une grève illimitée en solidarité avec les manifestants anti-gouvernementaux et pour demander une hausse de leurs salaires.
Des mouvements sociaux portant sur les salaires ou les conditions de travail ont également eu lieu dans les arsenaux de Port-Saïd (nord-est), dans des sociétés privées travaillant sur le canal de Suez (est) ou encore à l'aéroport du Caire.
A Port-Saïd, des manifestants venus d'un bidonville ont saccagé le siège de la police, après avoir fait de même la veille avec le gouvernorat, ont indiqué des témoins à l'AFP.
Environ 3.000 membres du personnel médical de l'hôpital Qasr al-Aini, le plus grand du Caire, sont descendus dans la rue.
Mercredi, le pouvoir avait durci le ton.Le ministre des Affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit affirmant que l'armée, qui cerne depuis des jours la place Tahrir, interviendrait "en cas de chaos pour reprendre les choses en main".
Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme.Des heurts se sont produits entre policiers et manifestants les premiers jours, puis entre pro et anti Moubarak le 2 février.
Les violences ont fait environ 300 morts selon un bilan de l'ONU et Human Rights Watch depuis le début du mouvement.
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