Outre les graves accusations de crimes dans le conflit du Darfour portées contre lui par la Cour pénale internationale (CPI), M. Béchir pourrait avoir à répondre d'autres affaires devant la justice de son pays.
Il fait l'objet d'une enquête, et se trouve sous le coup d'un mandat d'arrêt, pour son rôle dans le coup d'Etat de 1989 qui l'a porté au pouvoir.
L'ancien homme fort du Soudan est apparu samedi matin devant le "tribunal spécial" et a écouté le verdict debout dans une cage métallique, vêtu de sa robe blanche traditionnelle et de son turban, après avoir été amené de la prison de Kober à Khartoum où il est détenu depuis son éviction du pouvoir.
Il restera dans cette prison jusqu'à ce que la justice se prononce sur une autre affaire le concernant : des meurtres commis lors des manifestations ayant conduit à sa chute, a annoncé samedi le juge Al-Sadeq Abdelrahmane.
- "Pas fini" -
L'Association des professionnels soudanais, acteur majeur du soulèvement populaire anti-Béchir, a salué sur Twitter sa condamnation."Ce n'est pas fini pour Béchir, il y a d'autres affaires" en cours, a-t-elle ajouté.
Dans le procès pour corruption qui a commencé au mois d'août, au sujet de fonds perçus de l'Arabie saoudite, M. Béchir encourait jusqu'à 10 ans de prison.Samedi, il a été déclaré coupable de "corruption" et "possession de devises étrangères".
Le juge a expliqué que l'ex-président serait placé dans un centre correctionnel pour les personnes âgées car, selon la loi soudanaise, toute personne âgée de plus de 70 ans ne peut être placée en prison.
A l'issue de l'audience qui a duré plus d'une heure et demie, l'un de ses avocats, Ahmed Ibrahim, a indiqué qu'il ferait appel "devant la cour d'appel et devant la haute cour".
Le juge a également prononcé la confiscation des fonds retrouvés au domicile de M. Béchir après son arrestation en avril (6,9 millions d'euros, 351.770 dollars et 5,7 millions de livres soudanaises).
Au cours des audiences précédentes, M. Béchir, avait assuré que l'argent n'avait pas été utilisé à des fins personnelles mais sous forme de "dons".
Selon un témoin au procès, l'ex-président aurait donné quelque cinq millions d'euros au redouté groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (RSF).
Si M. Béchir a reconnu avoir perçu un total de 90 millions de dollars (81 millions de d'euros) de la part de dirigeants saoudiens, le procès ne concernait que 25 millions de dollars (22,5 millions d'euros) reçus peu avant sa chute du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Le Soudan occupe la 172e place sur 180 au classement mondial de l'organisation Transparency International.
Samedi, un important dispositif de sécurité était visible dans les rues de Khartoum pour empêcher tout débordement de la part de partisans de M. Béchir, soutenu par les islamistes.
Après le verdict, plusieurs centaines de partisans de l'ex-président ont manifesté leur mécontentement devant le tribunal et dans le centre-ville, avant de se disperser.
Parallèlement, les autorités de transition ont annoncé samedi la dissolution des organisations professionnelles mises en place sous M. Béchir, conformément aux revendications du mouvement de contestation.
Le Soudan est dirigé depuis septembre par un gouvernement de transition avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de militaires et de civils.
- Extradition ? -
En 2009 et 2010, la CPI avait émis contre M. Béchir deux mandats d'arrêts pour "crimes de guerre", "crimes contre l'humanité" et "génocide" au Darfour.
Cette province occidentale soudanaise a été le théâtre d'une guerre sanglante entre rebelles et forces pro-gouvernementales.Le conflit, qui a éclaté en 2003, a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU.
A ce jour, le gouvernement de transition n'a pas autorisé l'extradition de l'ex-dirigeant à La Haye où siège la CPI.
Si le Soudan n'a pas ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, le pays a l'obligation juridique d'arrêter M. Béchir.Car l'enquête de la CPI sur les crimes au Darfour a été effectuée sous mandat de l'ONU, dont le Soudan est membre.
Les Forces pour la liberté et le changement, qui ont mené la contestation contre M. Béchir, ont dit n'avoir aucune objection à une extradition.
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