Ils étaient plusieurs centaines de milliers, peut être plus d'un million, ce jeudi, place Tahrir en Egypte. Ils s'étaient remobilisés depuis deux jours et avaient déboulé en masse pour attendre l'allocution présidentielle. On le leur avait annoncé l'après midi. Leur président, le raïs, celui qui règne d'une main de fer sur l'Egypte depuis trente longues années allait prendre la parole pour la troisième fois depuis le début de la crise. Peut-être la dernière. Ils étaient donc des centaines de milliers, réunis pour voir, entendre, « l'Histoire en marche » selon les mots de Barak Obama. Et dans le monde nous étions des millions. Assis devant nos postes de télévision, suivant sur les chaines d'informations minutes par minutes pour ne pas en perdre une goûtte. Sur twitter aussi, nous suivions les flux #egypt #moubarak, ainsi que sur Facebook.Le président devait prendre la parole à 21H, heure de Paris. Sur les écrans un titre clignotant posait la question : « Moubarak, le départ ? ». En dessous, sur les bandeaux défilants, les déclarations des uns et des autres. Le directeur de la CIA : « Le président Moubarak va certainement partir ». Le gouvernement américain : « Nous soutiendrons une démocratie en Egypte ».Sur la place, l'ambiance était festive, au centre, des grandes tentes avaient étaient montés. Les caméras d'Al Jazeera nous offraient une vue d'ensemble. Plus étonnant, les caméras de la chaine nationale égyptienne filmaient et retransmettaient également l'ambiance. Les correspondants sur place, n'avaient pas l'air inquiet. Contrairement à la semaine précédente, ils pouvaient faire leur travail tranquillement, sans pressions. « L'ambiance est festive, on mange, on danse, on attend dans le calme ». Voilà ce qu'ils nous relataient. Puis le président est apparu sur l'écran géant de la place Tahrir. Le silence se mit à régner. Chez nous aussi, il est apparu. Il était 21h35. Au fur et à mesure que le président avançait dans son discours, «les visages se crispaient », les « larmes emplissaient les yeux » selon une journaliste sur place. « Un homme d'une cinquantaine d'années à commencer à se baisser pour prendre sa chaussure en main ». Car le discours n'était pas à la hauteur de ce qu'attendaient les manifestants de la place. Ils voulaient que les têtes tombent. En finir pour de bon avec les années Moubarak. En finir avec ses sbires. Au lieu de cela, le président reste, se félicite de son parcours, de ses guerres, de ses victoires comme de ses défaites. Il dit avoir compris le peuple, entendu les manifestants. Il veut punir sévèrement ceux qui ont commis des exactions à son encontre. Certes, il cède le pouvoir à son vice président, Omar Souleimane, fraîchement nommé. Il annonce également des réformes constitutionnelles. Promet des élections libres et transparentes pour Septembre prochain. Mais il ne part pas !Sur la place la clameur s'est faite plus bruyante, on s'est mis à brandir ses chaussures par centaines. Pour ces milliers d'égyptiens réunis là avec l'espoir d'assister à un changement radical, c'est la déception qui prit le dessus. Pour les autres millions d'égyptiens. On ne sait pas.
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