Mamadou Sakho, 34 ans, a lancé en janvier une pétition pour transformer l'aéroport Léopold-Sédar-Senghor en un Central Park local où les Dakarois viendraient s'oxygéner.
Un projet à la fois personnel, citoyen et entrepreneurial.Il a touché une corde sensible chez bien des Dakarois mais devra surmonter des intérêts contraires: ceux de l'armée, qui occupe les lieux reconvertis en aérodrome militaire, et ceux de la promotion immobilière, qui capitalise sur l'explosion démographique dakaroise et ne manquerait pas de convoiter une telle manne foncière si elle se libérait.
L'initiative paraît illusoire.Pas de quoi décourager Mamadou Sakho pour autant.
"Ce qui me motive, c'est d'être un leader du changement et de créer une dynamique notamment auprès des jeunes", explique ce diplômé en marketing gestion des entreprises, créateur d'une société travaillant dans les espaces verts et la sensibilisation à l'environnement.
Début mars, sa pétition avait recueilli près de 20.500 signatures.
Vue du ciel, la presqu'île de Dakar, à la pointe occidentale de l'Afrique, est une mosaïque de rues et de bâtiments où dominent les couleurs grise et sable.Les rares portions inexploitées dans cette région autrefois appelée Cap-Vert en raison de sa luxuriante végétation sont prises d'assaut par les promoteurs immobiliers ou par l'Etat.
- Choc du retour -
De moins d'un million en 1976, la population de Dakar est passée à 3,5 millions en 2017 et devrait dépasser les 4,3 millions en 2025, selon l'Agence nationale de la statistique.
Mamadou Sakho, né en France, chérit le souvenir de la partie de son enfance qu'il a passée sur les plages dakaroises, au bord de l'Atlantique.
"Après quelques années à l'étranger, quand je suis revenu, je n'ai pas reconnu Dakar.On n'avait plus accès à la mer.La ville était polluée.Je n'avais plus cette sensation de la nature, ni des odeurs, ni des paysages", se désole-t-il.
Le constat a guidé son engagement environnemental et, récemment, le projet de végétaliser les pistes de Senghor.
Sur les images satellitaires, les trois pistes de l'aéroport Senghor et de leurs aires de dégagement, dans le quartier de Yoff, dessinent un ample "H" vert, rare exception dans la grisaille avec le parc forestier du quartier de Hann.
Ces 600 hectares sont sous-utilisés depuis l'ouverture de l'aéroport international Blaise-Diagne fin 2017 à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.Ils n'accueillent plus que des vols militaires et de rares délégations officielles.
Mamadou Sakho s'est emparé de l'idée de parc avancée par certains Dakarois sur les réseaux sociaux, même si rien n'indique une volonté des autorités de changer l'affectation de la plate-forme.
- La voix de Kennedy -
"Cet aéroport a été confié par l'Etat à l'armée.Nous ne pouvons pas nous prononcer sur une pétition dont nous ne sommes pas informés", a indiqué à l'AFP le porte-parole des armées, le colonel Mactar Diop.
Mamadou Sakho peut se prévaloir de signaux encourageants émis par la municipalité.La maire Soham El Wardini, fervent soutien, a assisté fin février, avec des entrepreneurs, des officiels, des jeunes, à la projection du film qu'il a réalisé pour appuyer son projet.
"Si nous parvenions à avoir ce lieu et à en faire un parc de loisirs, de détente, ce serait formidable", assure Bamba Ngom, chef de la division des espaces verts à la mairie.La municipalité est prête à accompagner l'initiative, promet-il.
Ibrahima Mbengue, habitant du quartier de Ouakam, proche de l'aéroport, adhère "totalement"."Dakar est devenu si étroit qu'il n'y a plus d’endroit où se promener, la ville n'a plus d'espace vert et même les trottoirs sont occupés.Un parc naturel serait le bienvenu", estime le jeune homme de 27 ans.
D'autres sont sceptiques.Malick Ka, la cinquantaine, cultive la nostalgie des années fastes, quand l'aéroport Senghor faisait vivre le voisinage."Depuis la transformation en aérodrome militaire, tous les quartiers à proximité sont morts", regrette-t-il.Et puis "avec quelle eau va-t-on arroser les plantes de ce parc naturel ? Une bonne partie de la population a déjà du mal à accéder à l'eau potable".
Mamadou Sakho, lui, entend "servir la communauté" et cite l'ancien président américain John F. Kennedy sur la nécessité de se demander ce qu'on peut faire pour son pays.
"Moi, je suis jeune, j'ai des idées, j'ai fait des études.Je me suis engagé parce que je veux du changement et les changements commencent par nous-mêmes".
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