La tenue de ce procès, comme de beaucoup d'autres, pourrait toutefois être remise en cause par les restrictions décidées par le gouvernement pour freiner la propagation du coronavirus.
Quinze ans après cette attaque surprise et une enquête difficile marquée par d'étranges libérations de suspects, les familles des soldats tués ou blessés se retrouveront face au banc vide des accusés.L'épilogue d'un "crime sans châtiment" pour certaines parties civiles.
L'ex-mercenaire biélorusse Yury Sushkin et deux officiers ivoiriens, Ange Magloire Gnanduillet Attualy et Patrice Ouei, que la justice française accuse d'avoir mené le raid meurtrier sur le camp français, encourent la perpétuité.
L'enquête, qui a un temps visé trois anciens ministres du président Jacques Chirac, s'est finalement cantonnée aux exécutants présumés, qui ont eux-mêmes échappé à la justice dans des circonstances troublantes.Introuvables aujourd'hui, ils sont tous trois visés par un mandat d'arrêt.
A la douleur des familles s'est ajouté le sentiment d'assister à un fiasco judiciaire, qui nourrit chez les parties civiles le soupçon d'une "manipulation politique" française au plus haut niveau.
Le 6 novembre 2004, à 13H20, deux avions de chasse Sukhoï de l'armée ivoirienne loyale au président Laurent Gbagbo bombardent un camp français de la mission Licorne, une force déployée pour protéger les ressortissants français et tenter de stabiliser le pays, au côté d'une mission de l'ONU.
Le raid tue 9 soldats français, un civil américain et fait 38 blessés.Il marque un tournant dans les relations entre la France et son ancienne colonie, jusqu'ici son meilleur allié en Afrique.
- "Manipulation française" -
Dans les heures qui suivent le raid, l'armée française riposte en détruisant la plus grande partie de l'aviation ivoirienne, ce qui conduit à l'échec de l'offensive loyaliste lancée deux jours avant contre les rebelles d'Alassane Ouattara (devenu en 2011 président de Côte d'Ivoire). Des manifestations antifrançaises éclatent dans le sud du pays, entraînant dans les semaines suivantes le départ de 8.000 Français.
L'implication des accusés dans le raid est attestée par plusieurs témoignages, mais de nombreuses zones d'ombre demeurent.
Au lendemain de l'attaque, quinze mercenaires russes, biélorusses et ukrainiens sont arrêtés à Abidjan par l'armée française.Ils sont relâchés quatre jours plus tard et remis, via la Croix Rouge, au représentant consulaire de la Fédération de Russie.
Puis, le 16 novembre 2004, huit Biélorusses sont arrêtés au Togo.Gardés à la disposition des autorités françaises, ils sont pourtant libérés.Parmi eux, Yury Sushkin, un des pilotes des avions Sukhoï-25 accusés d'avoir bombardé le camp français dix jours plus tôt.
Ambassade, militaires et agents des renseignements sur place avaient tous reçu pour consigne de "ne pas se mêler" de cette histoire.L'enquête française a examiné le rôle de trois ministres, Michèle Alliot-Marie (Défense), Dominique de Villepin (Intérieur) et Michel Barnier (Affaires étrangères), dans les dysfonctionnements ayant permis ces libérations.
Ne pouvant instruire sur leurs actes, la juge avait demandé en février 2016 la saisine de la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les ministres.
Le 17 mai 2019, la commission des requêtes de la CJR décidait que l'"inaction" des ministres ne suffisait pas justifier des poursuites et que les soupçons d'entrave aux investigations n'étaient pas étayés.
Me Jean Balan, avocat de plusieurs familles de militaires, avait aussitôt dénoncé un "déni de justice".
Depuis des années, l'avocat affirme que l'affaire de Bouaké est le fruit d'une "manipulation française"."La seule explication logique à ce bombardement, à la fuite des exécutants et à la volonté d'étouffer cette affaire est que le but était de justifier une réaction française", a-t-il dit à l'AFP.
Pour lui, "il s'agissait de créer une situation permettant une riposte d'envergure qui pouvait mener au renversement de Laurent Gbagbo, et favoriser l'installation d'Alassane Ouattara".
Une thèse qu'il développe dans un livre: "Crimes sans châtiment, un des plus grands scandales de la Ve république", paru quelques semaines avant le procès, prévu jusqu'au 3 avril.
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