Mais alors que l’Éthiopie se prépare à une hausse probable dans les prochains jours ou semaines du nombre de personnes affectées par le nouveau coronavirus, Rediet et ses collègues accélèrent leur apprentissage de cet appareil respiratoire, outil indispensable pour les patients les plus gravement touchés.
Cette doctoresse de 28 ans et six autres médecins ont suivi une remise à niveau cette semaine à Addis Abeba pour apprendre à maîtriser le volume et la pression d'oxygène pour les patients dont les poumons sont atteints.
Même si l’Éthiopie n'a fait état que de 29 personnes positives au coronavirus, dont deux dans un état grave, Rediet s'attend à ce que le pays soit bientôt confronté à une vague de nouveaux cas, pour lesquels le ventilateur fera la différence entre la vie et la mort.
"Je serai en première ligne pour ça, donc il faut que je sache utiliser cette machine", explique-t-elle à l'AFP.
Mais pendant que ses médecins apprennent à s'en servir, l’Éthiopie, comme beaucoup d'autres pays africains, est confrontée à un manque cruel de ces respirateurs artificiels dont pourrait dépendre sa réponse au coronavirus.
Dans un pays de plus de 100 millions d'habitants, seulement 54 ventilateurs sur un total d'environ 450 ont été réservés aux patients souffrant du coronavirus, selon Yakob Seman, directeur général des services médicaux au ministère de la Santé.
En comparaison, l'Etat américain de New York, l'un des épicentres actuels de la pandémie, a dit avoir besoin de milliers de respirateurs pour une population d'environ 20 millions d'habitants.
Les propres prévisions du ministère éthiopien de la Santé prévoient "un scénario du pire" qui verrait le pays avoir besoin de 1.500 ventilateurs pour le coronavirus d'ici la fin avril.
- Pénurie mondiale -
La demande mondiale pour ces appareils étant actuellement exponentielle, rien ne permet pour l'instant de savoir comment l’Éthiopie parviendra à combler cette insuffisance, convient M. Yakob.
"Cette pénurie m'inquiète beaucoup", admet-il."Ce n'est pas à cause d'un manque de volonté du gouvernement, mais à cause d'un manque de ressources."
Le manque de respirateurs n'est pas propre au continent africain, il touche aussi les États-Unis et les pays européens, rappelle-t-on à l'Union africaine (UA), qui a son siège à Addis Abeba.Mais l'Afrique reste bien plus exposée que les autres.
Le Norwegian Refugee Council a rapporté que la République centrafricaine ne disposait que de trois ventilateurs, pour 5 millions d'habitants.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) conseille aux pays africains de "commencer à penser à mobiliser" davantage de respirateurs, selon le Dr Mary Stephen, une responsable de l'OMS en République démocratique du Congo (RDC).
"Nous n'en produisons pas en Afrique, alors les pays doivent commencer à collaborer.Est-ce qu'on peut commencer à discuter avec le secteur privé?Est-ce qu'on peut commencer à parler à la Chine", suggère-t-elle.
"Ce sont des choses qu'il faut faire avant qu'on n'en arrive au point où nous aurons un large nombre de cas" positifs, prévient-elle.
Mais l'expérience éthiopienne prouve que trouver des ventilateurs est plus facile à dire qu'à faire.
- 'Nous sommes vraiment inquiets' -
Le gouvernement éthiopien en a commandé un millier en Chine, mais s'est entendu dire qu'il pourrait ne pas tous les recevoir d'un coup et pourrait devoir se contenter de 250 ce mois-ci, dit M. Yacob.
Un gérant d'une société contractée par le gouvernement pour en trouver 200 a expliqué à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, que le processus avait été compliqué par les restrictions pesant sur les liaisons aériennes et la hausse des prix des respirateurs.
Ils se vendent désormais à plus de 20.000 dollars (18.200 euros) pièce, contre 9.000 auparavant, selon lui.
Alors les responsables sanitaires éthiopiens commencent à recourir au système D. Le ministère de la Santé a ainsi récupéré 197 ventilateurs ne fonctionnant plus et espère parvenir à en réparer quelques-uns, selon M. Yacob.
L'entraînement de cette semaine à Addis Abeba a été organisé par l'American medical centre, une clinique privée locale, qui espère former de la sorte une centaine de docteurs d'ici la fin avril.
D'ici là, les médecins éthiopiens peuvent seulement prier pour que la population respecte les mesures de distanciation sociale mises en place pour freiner le virus.Mais cela semble n'être guère le cas jusqu'ici.
"Nous sommes vraiment inquiets, mais nous faisons de notre mieux", déclare une autre doctoresse, Tihitina Negesse, qui a aussi pris part à la formation.
"Nous voyons déjà que dans d'autres pays, en Italie par exemple, ils sont submergés de patients, de patients gravement malades", remarque-t-elle."Ils manquent de ventilateurs artificiels et ils doivent décider à qui donner la priorité.Si ça continue comme ça, si les gens ne prennent pas ça au sérieux, nous aussi nous serons probablement submergés."
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