Kenya: des confinés dénoncent une quarantaine au faux air de prison

Infos. En colère ou démoralisés: des Kényans placés en quarantaine obligatoire par le gouvernement après être rentrés fin mars de l'étranger contestent le prolongement de leur confinement pour 14 jours de plus et demandent à être testés pour pouvoir regagner leur domicile.

Kenya: des confinés dénoncent une quarantaine au faux air de prison

Ils sont un peu plus de 2.000 selon le gouvernement, pris dans les mailles des directives du ministère de la Santé pour tenter d'enrayer la propagation de l'épidémie de Covid-19 dans le pays, qui comptait mardi 172 cas dont six décès. 

Selon les autorités, 80% des cas positifs viennent de personnes actuellement en quarantaine, ce qui inclut les gens rentrés de l'étranger avant le 25 mars et les contacts de personnes déjà testées positives.Le Kenya a jusqu'à ce jour mené près de 5.000 tests. 

Le dimanche 22 mars, le ministre de la Santé Mutahi Kagwe annonçait la suspension de tous les vols internationaux pour le Kenya à compter du mercredi soir suivant et le placement pour 14 jours en confinement, dans des centres désignés par le gouvernement, de tous les passagers arrivant au Kenya d'ici là.

Selon un document du ministère de la Santé intitulé "Protocoles de quarantaine pour le Covid-19", des tests devaient être réalisés sur les personnes confinées au bout de cinq jours, les résultats devaient être connus sous 24 heures.Les cas positifs seraient transférés dans des centres de traitement, les autres renvoyés chez eux en auto-confinement.

Mais, selon plusieurs témoignages recueillis par l'AFP, rien ne s'est vraiment passé comme prévu.

Tandis que les confinés s'apprêtaient à rentrer chez eux dimanche ou lundi au terme des 14 jours de quarantaine, le gouvernement a ordonné samedi deux semaines supplémentaires de confinement pour les centres - hôtels ou établissements scolaires - ayant enregistré au moins un cas positif.

"Nous savons que cela peut en importuner certains mais dans l'intérêt de la protection du public, c'est absolument nécessaire", a justifié mardi le ministre de la Santé.

Plusieurs personnes confinées ont décidé de contester légalement cette prolongation, estimant qu'elle équivalait à une détention arbitraire.

Dans une lettre de mise en demeure envoyée par leur avocate aux différentes autorités (chef de la police, ministère de la Santé, etc), et que l'AFP a pu consulter, elles font valoir que la quarantaine ne peut excéder 14 jours et demandent leur libération immédiate.

- 'Dans notre propre pays' -

Tout avait mal commencé: selon Luke, l'un des témoins contactés par l'AFP et qui a requis l'anonymat (son prénom a été modifié), à leur arrivée à l'aéroport international de Nairobi le 24 mars, les passagers avaient été regroupés par des policiers agressifs dépourvus de tout équipement de protection et ils avaient été pressés de monter dans des bus, pour certains sous la menace d'une arme.

A l'aéroport, se remémore-t-il, "il n'y a aucun docteur ou personnel médical en vue.Il n'y a pas de gel hydroalcoolique.Il n'y a pas de gants.Il n'y a pas de masques.Il est minuit passé et tout le monde a l'air dépité".

La suite n'est guère plus reluisante.Les confinés doivent payer leur propre séjour, les prix variant en fonction des endroits de 20 à plus de 90 dollars (18 à 83 euros) la nuit, le tout pour des conditions d'hygiène pour le moins précaires.

Une jeune femme kényane, Sheila (son prénom a été modifié), a diffusé dimanche sur les réseaux sociaux une vidéo saisissante dénonçant les conditions d'hygiène dans son centre de confinement de l'école Lenana, à Nairobi. 

"Nous n'avons pas d'eau à certains moments, nous manquons de savon, nous n'avons pas de masques", déclare la jeune femme qui tient à rester anonyme.

La vidéo fait le tour des installations, et notamment des chambres/dortoirs peu propices à l'isolement des confinés.Selon elle, les confinés doivent laver eux-mêmes leurs vêtements. 

Luke, qui est dans un hôtel du quartier de Westlands, confirme des conditions précaires, une nourriture ressemblant à "des rations de prison" et pas de service de blanchisserie.

Sheila, jointe mardi par l'AFP, ajoute que cinq personnes testées le 29 mars et dont les résultats, positifs, ont été communiqués le 2 avril, n'ont été évacuées de son école que dans la nuit du 4 au 5, augmentant ainsi le risque de contaminations entre confinés.

"Nous sommes rentrés dans notre propre pays.Et c'est comme si nous étions punis pour être rentrés à la maison", déplore-t-elle dans sa vidéo.

"A présent, nous demandons à rentrer chez nous: qu'ils nous testent.Si vous êtes positif, vous allez à l'hôpital, si vous êtes négatif, vous rentrez chez vous".

Après tout, ajoute-t-elle, "nous aussi nous sommes des êtres humains, nous aussi nous sommes Kényans et nous aussi, nous voulons survivre à cette chose".

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