Avant l'apparition de l'épidémie de coronavirus, Albert, photographe, pouvait gagner entre 10 et 20 dollars par jour en s'installant devant le ministère des Affaires étrangères avec son équipement mobile.Ce père de famille de 37 ans dépannait en dix minutes toutes celles et ceux qui avaient besoin de photos d'identité pour un passeport ou un visa.
Mais depuis le 6 avril, Albert est au chômage, sans aucune ressource.Non qu'il soit confiné à la maison comme des centaines de millions de travailleurs à travers le monde.
Albert n'a plus accès à la Gombe, isolée du reste de la ville.La très chic commune résidentielle, bâtie au bord du fleuve Congo en face de Brazzaville, est "l'épicentre" de l'épidémie du coronavirus en RDC, selon les autorités sanitaires.
"Depuis la fermeture là nous sommes toujours à la maison", regrette Albert, qui vit dans la commune voisine de Bandalungwa.Sa femme a heureusement trouvé un emploi dans un supermarché.
Le photographe ne dispose pas du laissez-passer qui permet de franchir les "check-points" sanitaires érigés à l'entrée et la sortie de la Gombe (prise de température et lavage des mains).
Ces passeports pour la "République de la Gombe", selon la formule d'un ex-ambassadeur de France en 2015, sont réservés à quelques professionnels (fonctionnaires, médecins, diplomates, commerçants...), mais pas aux personnes vivant des petits métiers dans la rue.
Photographes, coiffeurs en plein air, agents de change, vendeurs de vieux livres, de pain, de fruits, de légumes ou de crédit téléphonique: en temps normal, ils sont des milliers à franchir chaque jour la frontière invisible qui sépare la Gombe du reste de la "Cité".
- "Ils nous tuent" -
La mise en quarantaine de cet îlot de prospérité, fief de quelques dizaines de milliers de riches Congolais et d'expatriés bien payés, est un désastre pour les vendeurs de rues, qui vivent au jour le jour comme la plupart des dix à 12 millions de Kinois.
"Mes petites économies se sont volatilisées, je vis désormais de la providence divine, comme un oiseau, miraculeusement", explique à l'AFP Antoine Bienga, 80 ans, qui vend habituellement des livres et des objets religieux devant la paroisse du Sacré-Cœur, à deux pas du ministère des Affaires étrangères.
"Le gouvernement devrait nous donner quelque chose pour survivre comme tous les pays responsables du monde.Sinon, ils doivent ouvrir la Gombe et nous allons suivre des mesures barrières contre la propagation du virus", ajoute "Grand-père", comme l'appelle ses clients.
Autre habitué de la Gombe depuis 24 ans, Alain Belesi, 46 ans, change des francs congolais en dollars et vend du crédit téléphonique devant le siège de la Conférence épiscopale.
"Ce travail, c'est ma société, c'est ma vie.Grâce à ça, j'ai chassé le chômage mais avec ce confinement, je retombe dans le chômage", déplore ce père de six enfants.
"En continuant de fermer la Gombe, ils nous tue, nous et nos familles.Qu'on lève les barrières et que les autorités nous laissent observer les gestes-barrières : port de masque, avoir du gel hydroalcoolique sur soi, garder la distance sociale".
Son collègue Emmanuel tente bien de vendre du crédit téléphonique à la Cité en attendant de revenir à la Gombe, mais la concurrence est rude.
Après deux semaines de confinement strict, les banques et les supermarchés de la Gombe ont de nouveau accueilli des clients à partir du 20 avril.
Mais les check-points sanitaires sont toujours en place et Charles Eboma ne peut toujours pas revenir vendre ses œuvres d'art devant l'hôtel Memling, l'un des rares cinq étoiles de la ville.
"Avant le confinement, je pouvais payer mon loyer, nourrir ma famille de huit enfants, les envoyer à l'école.Mais depuis, je n’encaisse plus le moindre dollar".
La date de la levée de l'isolement de la Gombe n'est pas encore connue.
Jeudi soir, la RDC a atteint le cap des 500 cas confirmés de Covid-19, dont 485 ont été enregistrés à Kinshasa.
Le virus ne circule plus seulement à la Gombe, qui a accueilli à partir du 10 mars les premiers cas "importés" d'Europe.Des cas sont répertoriés dans la plupart des 24 communes de la ville, dont quatre dans la prison militaire de Ndolo.
Le "pic" de l'épidémie sera atteint entre la première et la deuxième semaine du mois de mai 2020", anticipent les autorités sanitaires.Quant au pic de désespérance sociale...
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