Sixième producteur mondial de tabac avec 252 millions de kilos en 2019, le Zimbabwe en exporte l'essentiel et produit chaque année une petite quantité de cigarettes pour son marché local.
L'idée de venir jouer dans la cour des célébrissimes havanes de Cuba ou des cigares réputés de République dominicaine a germé dans la tête d'un Zimbabwéen expatrié, fraîchement retraité d'une compagnie aérienne américaine.
"J'ai toujours eu dans l'idée de rentrer au pays à la retraite, pour y faire quelque chose d'utile pour moi et le Zimbabwe", explique Shep Mafundikwa, 54 ans.
"Bien que je ne sois moi-même pas fumeur, j'avais noté l'existence de tous ces salons réservés aux fumeurs de cigares à travers les Etats-Unis", raconte-t-il."J'ai donc décidé de tenter ma chance sur ce terrain" en utilisant le tabac zimbabwéen.
Persuadé de la pertinence économique de son projet, l'ancien cadre n'a pas reculé devant l'ampleur de la tâche et a patiemment assemblé les pièces du puzzle nécessaires au lancement de son entreprise.
"C'était un peu comme construire un immeuble à partir de rien du tout", résume-t-il.
- Petites mains -
Une partie de la matière première, de l'infrastructure et du savoir-faire a été importé.Des feuilles de tabac du Malawi et d'Indonésie - la variété Burley locale est trop fragile - pour envelopper les cigares, quelques machines et un spécialiste dans l'art de rouler les cigares à la main...
Pour recruter ce qui se fait de mieux au monde, Shep Mafundikwa a fait le déplacement à Cuba et en République dominicaine, où il a débauché Elias Lopez, un orfèvre chargé d'enseigner le roulage aux petites mains zimbabwéennes.
Les débuts de l'entreprise ont été contrariés par la pandémie de coronavirus.
"Nous avions juste démarré lorsque le Covid-19 a fait son apparition.Le confinement décrété par le gouvernement nous a contraints à nous arrêter", explique Shep Mafundikwa.
La production n'a véritablement été lancée qu'en mai.Elias Lopez a profité de cette pause forcée pour parfaire la technique de ses élèves, sept femmes.
"Elles se débrouillent bien", note fièrement leur "professeur" dominicain, "elles réussissent déjà à rouler la moitié des plus de 200 cigares que chacune devrait pouvoir produire chaque jour une fois formée".
Parmi elles, Gamuchirai Chibaya, ravie d'avoir pu décrocher un emploi dans un pays englué depuis une vingtaine d'années dans une crise économique sans fin, faite de chômage de masse, d'hyperinflation et de pénuries en tous genres.
"Maintenant, je peux nourrir ma famille", se satisfait-elle, "nous avons un avenir et sommes très encouragées par les bons retours que nous avons de nos produits".
- "Comme un cubain" -
La gamme "Mosi Oa Tunya" se déclinera à des prix que le patron et créateur de l'entreprise promet modestes.
"Il existe une toute petite communauté de fumeurs de cigares au Zimbabwe, et ceux qui ont goûté aux nôtres sont agréablement surpris de leur qualité", se réjouit Shep Mafundikwa.
"C'est excellent", confirme le restaurateur Peter Mubi en tirant une bouffée de son "barreau de chaise" made in Zimbabwe."Le goût et l'arôme sont raffinés sans être trop prononcés".
"J'en ai fumé de toutes les sortes et on peut le comparer à un cigare cubain", complète Preemesh Mohan Doolabh, un armurier de la deuxième ville du pays Bulawayo (Sud-Ouest)."Si on me bandait les yeux et qu'on me faisait fumer les deux, je ne saurais faire la différence".
Encouragé par ces premiers avis très favorables, le patron de "Mosi oa Tunya" se dit prêt à venir titiller les maîtres cubains et dominicains sur leur terrain.
Sur le marché africain, il sera d'abord confronté aux produits de ses deux seuls concurrents continentaux, des producteurs du Mozambique et surtout du Maroc.
"On est prêts", veut croire Shep Mafundikwa."Ce serait fantastique que le Zimbabwe puisse commencer à empocher des devises grâce à son tabac Burley".
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