"C'est un message.L'objectif est de déstabiliser le pays et de montrer à l'étranger que le pouvoir de Khartoum ne contrôle que la capitale", explique à l'AFP Marc Lavergne, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et expert du Soudan.
"L'attaque par 500 hommes armés à bord de voitures tout-terrain contre un important village de l'Etat du Darfour-ouest nécessite une véritable organisation", relève-t-il.
Selon l'ONU, l'attaque menée à Masteri, localité à 48 kilomètres de la capitale provinciale d'El Geneina, a fait plus de 60 morts -- en majorité de la communauté Masalit -- et 60 blessés.
Des agriculteurs issus de tribus africaines habitent ce village meurtri, avec ses maisons brûlées, ses animaux calcinés et ses corps de victimes recouverts de tissus multicolores.
Selon le comité des médecins soudanais, l'attaque a duré neuf heures.Il a précisé que huit femmes figuraient parmi les 60 morts et que 54 personnes avaient également été blessées, parmi lesquelles 19 femmes et enfants.
"Il s'agit du dernier d'une série de sept incidents violents entre les 19 et 26 juillet, laissant des dizaines de morts et de blessés et qui se sont traduits par des villages et des maisons brûlés ainsi que par des marchés et des magasins endommagés", a déploré l'ONU.
Le renversement en avril 2019 du président Omar el-Béchir, à la suite d'une révolte populaire mettant fin à plus de trente ans de pouvoir despotique, a changé la donne.
- "Question existentielle" -
C'est l'avis en particulier d'Abdallah Adam Khater, écrivain et expert du Darfour: "La nouvelle vague de violences au Darfour est liée à la chute du régime d'Omar el-Béchir car, durant de longues années, le régime a approvisionné en armes des milices et il leur a donné le droit de confisquer des terres et même de lever des taxes auprès de ces agriculteurs".
Mais "après la chute de Béchir, les agriculteurs ont refusé de payer des taxes et que les nouveaux arrivants continuent d'occuper leurs terres qu'ils avaient dû fuir", explique-t-il à l'AFP."Pour se maintenir coûte que coûte", ces nouveaux arrivants "utilisent la force et la terreur.La situation est hors de contrôle", ajoute-t-il.
M. Lavergne abonde en son sens."Pour les milices qui se livrent à ces attaques, il s'agit d'une question existentielle", affirme-t-il.
Selon lui, "si le changement de pouvoir à Khartoum entraine un apaisement au Darfour et permet à une partie de la population qui a fui de revenir dans leurs champs, (les milices) ne pourront plus continuer à semer la terreur, à piller, et à racketter".
Dans cette immense région de 400.000 km2, dont presque la moitié est désertique, les agriculteurs appartenant à des tribus africaines cultivent des céréales (mil et sésame notamment), des arachides, du tabac et des oranges.Les tribus arabes font de l'élevage (moutons, vaches, chameaux), en pratiquant la transhumance.
Leur coexistence a souvent été source de conflits pour le pâturage et pour l'eau.
Mais depuis 2003, la guerre a ravagé la région avec en particulier l'arrivée d'armes depuis les pays voisins.
Elle a opposé le régime à majorité arabe d'Omar el-Béchir et des insurgés issus de minorités ethniques s'estimant marginalisées, faisant des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés, selon l'ONU.
En raison de la récente flambée de violences, le gouvernement a décidé d'envoyer de Khartoum "les forces de sécurité vers les régions où se produisent des troubles pour assurer la sécurité des habitants", a déclaré dimanche Eltrafi Elsdik, ministre soudanais de l'Intérieur.
Pour M. Khater, "c'est une bonne décision.Cela montrera à la population du Darfour que le nouveau gouvernement est soucieux de leur sécurité contrairement à ce qu'il se passait à l'époque de Béchir".
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