Les révolutions dans le monde arabe sont regardées avec espoir par les peuples d'Afrique subsaharienne mais avec inquiétude par nombre de ses dirigeants, la pauvreté, l'absence de liberté et la corruption étant autant de maux propres à y déchaîner la colère populaire.
Zimbabwe, Guinée équatoriale, Angola, Cameroun, Tchad: longue est la liste des pays africains dirigés depuis plus de 20 ou 30 ans par le même homme et où les inégalités, les atteintes aux libertés et la répression sont le lot commun, comme c'était le cas en Tunisie et en Egypte.
D'autres, moins répressifs comme le Mozambique et le Burkina-Faso, où jouissant de démocraties réelles comme l'Afrique du Sud et le Sénégal, restent minés par l'extrême pauvreté de la majorité de leur population.
Plusieurs leaders d'opposition ont appelé leurs peuples à suivre l'exemple arabe, à faire eux aussi "la révolution".Pour éviter la contagion, un pays comme la Guinée équatoriale a interdit la diffusion d'images des manifestations à Tunis ou au Caire, selon Reporters sans frontières (RSF).
"La révolte populaire en Afrique du Nord va inspirer l'Afrique subsaharienne de l'Angola au Burkina Faso, du Nigeria à l'Erythrée", estime Shehu Sani, militant nigérian des droits de l'homme: "la question n'est pas de savoir si le soulèvement populaire aura lieu mais quand".
Toutefois la chute des présidents tunisien et égyptien a été rendue possible par l'attitude bienveillante de l'armée et l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux qui ont mobilisé la jeunesse en dehors des partis et syndicats traditionnels.
Or ces facteurs déterminants sont loin d'être réunis dans les pays du sud du Sahara, où les armées sont le plus souvent inféodées aux pouvoirs en place et où internet a un taux de pénétration bien plus faible qu'au Maghreb.
"En Afrique subsaharienne, le problème c'est que l'armée n'est pas toujours républicaine, elle est soumise à la volonté des chefs d'Etat", note Patrick N'Gouan, chef de la Coordination de la société civile ivoirienne (CSCI).
Il parle en connaissance de cause: en Côte d'Ivoire, frappée par une grave crise liée à la présidentielle du 28 novembre, l'armée est restée fidèle au président sortant Laurent Gbagbo qui réussit à se maintenir au pouvoir contre son rival Alassane Ouattara, reconnu élu à l'étranger à l'issue de résultats électoraux certifiés par l'ONU.
En Ouganda où le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, vient d'être réélu pour cinq ans dans des conditions contestées, l'armée "qui se comporte très souvent comme une milice politique", est "hautement partisane", affirme Frederick Golooba Mutebi, chercheur à Kampala.
Il souligne également que "les protestataires en Egypte, que ce soit via internet ou d'autres outils de communication, étaient constamment en contact les uns avec les autres"."Ce niveau d'infrastructures n'existe pas ici".
Avec moins de 9% de la population connectée, internet "est beaucoup plus faible en Afrique que partout ailleurs dans le monde", reconnaît Tidiane Dème, responsable Afrique francophone de Google.
En outre, la multiplicité des ethnies en Afrique subsaharienne, manipulées à des fins politiques par les dirigeants du continent, handicape l'unité indispensable à tout mouvement contestataire d'ampleur, susceptible d'entraîner la chute d'un régime.
Eze Osita, analyste politique nigérian, observe qu'en Afrique du Nord, il existe "une homogénéité" culturelle et religieuse "qui facilite la mobilisation, par opposition à la fragmentation en Afrique subsaharienne". Selon lui, c'est à l'occasion des élections que des soulèvements populaires peuvent se produire dans cette partie du continent où une douzaine de scrutins sont programmés en 2011.
Takavafira Zhoub, universitaire zimbabwéen, tient cependant à mettre en garde contre les faux espoirs suscités par les révolutions du monde arabe en Afrique: "elles peuvent donner l'occasion à ceux qui sont au pouvoir de renforcer la dictature pour consolider leur position".
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