Les deux-tiers des habitations sont brûlées ou en ruine dans ce village situé près de la route qui file vers l'Ouganda, a pu constater une journaliste de l'AFP, de passage avec une patrouille de Casques bleus mi-septembre.
Ce village meurtri se trouve dans un secteur fief et base arrière supposés des miliciens de la Coopérative pour développement du Congo (Codeco), une secte politico-militaire qui prétend défendre la communauté lendu en tuant par centaines des civils d'autres communautés.
Elle-même Lendu, Séraphine est une victime collatérale des opérations de l'armée contre cette secte politico-militaire.
- Mysticisme et fétichisme-
Dans la nébuleuse des groupes armés et des milices qui déstabilisent l'Est de la RDC, la Codeco occupe une place à part.
Comme son nom l'indique, la Codeco désigne à l'origine une initiative pour encourager l'agriculture, lancée en 1978 en Ituri, région par ailleurs riche en or.
"Plus discrètement, la Codeco s’est toutefois engagée dans le mysticisme et le fétichisme", indique un rapport de l'ONG néerlandaise Pax.
L'AFP a pu vérifier que la Codeco reste une organisation à deux visages, mystique et militaire.
Dans le village de Masumbuko, le pasteur Ngadjole Ngabu, alias le "sacrificateur", se présente comme l'un des chefs spirituels d'une branche dominante de la Codeco.Le "pasteur" affirme avoir le pouvoir d'ordonner ou d'interdire les attaques des combattants sous ses ordres.
Entre une procession d'enfants de choeur ou des lectures de cantiques, le gourou confirme vouloir défendre les Lendu comme Séraphine, qui "sont victimes des tracasseries policières et militaires (...) dans l'indifférence totale des autorités".
"Si l'un de nous est tué, l'Etat trouve ça normal", affirme-t-il, en prenant l'exemple d'un prêtre lendu, le père Florent, retrouvé mort dans des conditions obscures en juin 2017.
A Dhera, Séraphine et ses voisins se passeraient bien de la protection tutélaire des Codeco, qui les expose aux représailles de l'armée.
Leur village a été attaqué en avril par l'armée congolaise après la mort de deux de ses soldats, selon des témoignages recueillis auprès des autorités sécuritaires et des notables lendu.
Les habitants ont fui vers le village voisin de Gudjo, à son tour attaqué deux mois plus tard par les militaires à la recherche d'"assaillants".Bilan: 13 civils tués dont le chef du village et son fils.
"J'ai été pris pour un assaillant.Mon frère et moi avons été ligotés par l'armée congolaise", raconte à l'AFP un autre habitant de Dhera.
"Nous n'acceptons pas que tous les Lendus soient assimilés aux assaillants", déplore devant l'AFP un homme de 35 ans, dont la maison a également été incendiée.
"On nous traite de traîtres et d'opposants, nous qui travaillons avec les militaires loyalistes", soupire un responsable administratif local.
- Un millier de morts-
Selon les décomptes des Nations unies, un millier de personnes ont été tuées en Ituri depuis la reprise des violences en décembre 2017, dans cette région déjà ensanglantée par un conflit entre communautés par milices interposées entre 1999 et 2003.
Des miliciens de la Codeco sont à l'origine de la plupart des violences actuelles, d'après les Nations unies et les autorités congolaises.
Les victimes sont majoritairement des civils des chefferies voisines, où vivent deux autres communautés, les Hema et les Alur, accusés par les miliciens de confisquer les terres des Lendu.
L'influence de la Codeco sur toutes les milices lendu serait affaiblie depuis la mort d'un de ses chefs, Justin Ngudjolo, tué par l'armée en avril.
Avec le pasteur "sacrificateur", leur chef spirituel, des membres de la Codeco ont rencontré à Masumbuko une délégation d'anciens chefs de guerre locaux des années 2000, envoyés en émissaire de paix par le chef de l'Etat.
Depuis leur arrivée, le rythme des massacres a diminué d'après des sources concordantes.
L'Est de la RDC est le théâtre des violences depuis près de 30 ans.L'armée y mène des opérations contre une centaine de groupes armés d'importance diverse.
Composée en partie d'anciens miliciens, l'armée est elle-même aussi régulièrement accusée de violations des droits humains dans chaque rapport mensuel du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l'Homme.
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