"Nier qu'il y ait eu des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre en République démocratique du Congo, nier même qu'il y ait eu un génocide en RDC, c'est être de mauvaise foi", a déclaré le gynécologue à l'AFP à l'occasion des dix ans de ce rapport des Nations unies, son arme contre l'impunité.
L'enquête portait sur les "violations des droits de l'homme les plus graves" commises en RDC entre 1993 et 2003, soit 617 au total, surtout pendant les deux guerres du Congo (1996-98 et 1998-2003): tueries, viols...
Les auteurs du rapport avaient "proposé un tribunal pénal international pour le Congo ou des chambres mixtes spécialisées avec juges congolais et des juges internationaux", rappelle le docteur spécialisé dans les soins aux femmes victimes de violences sexuelles.
Et depuis plus rien."Tant que l'impunité perdurera et que les recommandations du rapport mapping seront ignorées, les massacres des Congolais continueront", avait écrit le prix Nobel en juillet après un massacre à Kipupu dans sa province du Sud-Kivu.
Un tweet qui lui a valu des menaces, affirme-t-il: "L'affaire de Kipupu était juste un prétexte.Le noeud du problème c'est le rapport mapping.Je suis menacé depuis très longtemps".
- La violence frappe toujours -
"Il y a toujours des bourreaux dans l'armée et dans la police qui continuent d'intimider des victimes qui sont obligées à garder le silence", insiste-t-il.
Sans doute pour des questions de sécurité, le prix Nobel a évité de se joindre à la manifestation contre l'impunité ce jeudi dans son propre fief de Bukavu.
Il a reçu le soutien de quelques grandes ONG internationales comme Amnesty et Human Rights Watch (HRW) dans son combat contre l'impunité: "Les autorités congolaises et les Nations unies n'ont pas suffisamment agi (...) pour rendre justice aux victimes dix ans après le rapport mapping".
Même si elle fait moins de victimes qu'il y a 20 ans, la violence frappe toujours l'Est de la RDC.Plus de 1.300 personnes en sont mortes au cours du premier semestre 2020 dans les trois provinces de l'Est (Ituri, Nord et Sud Kivu), selon les Nations unies.
Le docteur Mukwege regrette que d'anciens miliciens aient été intégrés dans les forces régulières au fil des programmes de démobilisations des groupes armés.
Un débat d'une actualité brûlante.Le président Félix Tshisekedi tend la main aux groupes armés congolais toujours actifs dans les trois provinces de l'Est.
- Bilan contesté -
Certains demandent toujours l'amnistie et l'intégration de leurs combattants dans l'armée régulière pour rendre les armes.
Les deux guerres du Congo ont été l'un des conflits les plus meurtriers au monde depuis la Seconde guerre mondiale.
Une ONG américaine, International Rescue Committee, a avancé le chiffre controversé de 5,4 millions de morts entre 1998 et 2007.
Un bilan contesté par les démographes, mais qui a marqué l'esprit de nombreux Congolais, persuadés que les conflits dans l'Est ont fait "six millions de morts", et qu'il y a eu un "génocide".
Le rapport cite les auteurs présumés de chaque crime.
Il y a la rébellion congolaise des AFDL de Laurent-Désiré Kabila, qui prend le pouvoir en mai 1997 en renversant les forces régulières en débandade du vieux maréchal Mobutu.
- Gouvernement très discret -
Il y a les alliés puis les rivaux de l'AFDL, l'Ouganda de Yoweri Museveni et le Rwanda de Paul Kagame, deux leaders toujours au pouvoir en 2020.
Comme il y a dix ans, Kigali rejette toujours le rapport des Nations unies: "On ne peut pas partir d'un projet de rapport contesté comme celui-ci pour lancer un tribunal pénal international", a déclaré le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta, dans un entretien à Jeune Afrique mercredi.
"S'ils pensent que ce rapport a été mal fait, acceptons qu'il y ait une juridiction indépendant.S'ils sont accusés, qu'ils viennent avec des arguments pour les blanchir", affirme M. Mukwege, interrogé sur les réticences du Rwanda.
Le président congolais Tshisekedi s'est rapproché du Rwanda.Son gouvernement a été très discret ce jeudi pour les dix ans du rapport des Nations unies, avec la simple participation d'un ministre à une manifestation à Kinshasa organisée par l'Eglise du Christ du Congo (ECC, protestante).
Une manifestation a été interdite et dispersée à Kisangani, ville-symbole des souffrances du Congo: les armées régulières du Rwanda et de l'Ouganda s'y étaient battues en juin 2000.
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