Il y a quelques jours, Mike Hammer, 56 ans, a ajouté à son profil Twitter le mot "Amani", la paix en swahili, langue parlée dans l'Est de la RDC.
Une manière de faire savoir qu'il était en tournée dans les deux provinces orientales du Nord et du Sud Kivu, où des groupes armés massacrent des civils, comme les Forces démocratiques alliées (ADF), à Beni.
"A l'écoute des habitants, il est clair que davantage doit être fait (contre l'insécurité)", déclare-t-il à l'AFP sans les précautions oratoires habituelles des diplomates.
A Beni (Nord-Kivu), l'ambassadeur actif sur tous les fronts a constaté que l'armée congolaise "manquait de moyens" face aux ADF et qu'elle devait "se débarrasser de ses officiers corrompus".
Il a conclu sa tournée mardi à Goma par une rencontre avec le président congolais Félix Tshisekedi, qui "a demandé aux États-Unis et à la communauté internationale de l'aider à ramener la paix et la sécurité dans l'Est de la RDC".
C'est une constante pour l'émissaire américain, accrédité en RDC juste avant la présidentielle de décembre 2018: soutenir le président Tshisekedi, qui gouverne dans le cadre d'une coalition fragile avec son prédécesseur Joseph Kabila.
- "Ingérence" et "activisme" -
Mi-septembre, c'était Mike "Elikia" Hammer qui était en tournée dans le nord-ouest de la RDC à Mbandaka, où sévit une nouvelle épidémie d'Ebola: Elikia signifie espoir en lingala, langue parlée dans l'ouest du pays.
De cette visite avec ses collègues canadiens et britanniques, l'ambassadeur est revenu très remonté contre l'"Ebola business", désignant les détournements des aides allouées à la lutte contre l'épidémie, largement financées par Washington.
"Le président Tshisekedi et son gouvernement nous ont demandé de l'aider à lutter contre la corruption", affirme-t-il.
M. Hammer a également applaudi des deux mains quand le président Tshisekedi a écarté en juillet un officier sous sanctions américaines, John Numbi, soupçonné d'être le commanditaire du meurtre d'un militant des droits de l'Homme en 2010.
Proches de l'ancien président Kabila, les présidents des deux chambres ont dénoncé mi-septembre "l'ingérence" et "l'activisme" de certains diplomates accrédités à Kinshasa, sans citer de nom.
"Quand je voyage à travers le pays, les Congolais demandent toujours le soutien des États-Unis et apprécient nos contributions", affirme l'ambassadeur américain à l'AFP."Mais il semble que certains au sein de l'ancien +establishment+ politique soient déterminés à s'accrocher au pouvoir pour des gains financiers personnels, et tentent de se cacher derrière des arguments de nationalisme ou des accusations d'ingérence étrangère".
"C'est courageux mais ça l'expose", apprécie un autre diplomate à Kinshasa.Comprendre: l'ambassadeur américain prend le risque d'être identifié à un camp, celui de M. Tshisekedi, contre les amis de M. Kabila, qui souhaitent son retour au pouvoir en 2023.
"Contrairement à ce que disent certains dans la mouvance Kabila, il n'est pas un électron libre.Je crois que Mike Hammer est très appuyé par le département d'État", avance un observateur.
- "Il fait oublier Trump" -
Alors que l'Afrique n'a jamais été une priorité pour le président Trump, "la RDC reste un pays important et stratégique", affirme son ambassadeur à Kinshasa, qui souligne le "potentiel" du pays en matière agricole ou hydro-électrique.
C'est le premier poste en Afrique pour Mike Hammer, qui est l'homonyme du célèbre détective privé dur à cuire, créé par Mickey Spillane et incarné à la télévision par Stacy Keach.Il était plutôt tourné jusqu'à présent vers l'Amérique latine et la Scandinavie.
De mère espagnole, parfaitement bilingue, il a été ambassadeur au Chili (2014-2016), après des responsabilités à la Maison-Blanche lors du premier mandat de Barack Obama (assistant spécial du président, porte-parole du Conseil de sécurité national).
Son propre père, coopérant américain, a été tué au Salvador quand il avait 17 ans: "Mon père travaillait pour promouvoir la réforme agraire, mais des groupes d'intérêt d'extrême-droite qui voulaient s'accrocher à leurs privilèges ont abrégé sa vie".
A l'occasion de la mort de George Floyd, un Afro-Américain étouffé par un policier, l'ambassadeur américain avait affirmé qu'il partageait "la peine, la colère, l'indignation" des Congolais, à l'unisson du mouvement mondial "Black lives matter".
"Le système a échoué à protéger un de nos citoyens comme il l'a trop souvent fait à l'égard de tant d'Afro-Américains", a-t-il reconnu dans un communiqué, quand le président Trump refusait de condamner les violences policières.
"Il est très fort: il est totalement loyal à son administration, et il fait oublier Trump en RDC", juge un observateur.
Mike Hammer rappelle qu'il a travaillé à la Maison-Blanche sous trois administrations (Clinton, Bush et Obama).Il restera sans doute à Kinshasa quelle que soit le résultat de l'élection du 4 novembre.
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