Sous l'oeil inquiet de la communauté internationale, le plus grand pays d'Afrique subsaharienne s'enfonce dans la crise depuis que le président Tshisekedi a annoncé dimanche la fin de la coalition au pouvoir qu'il formait avec M. Kabila.
Le président a annoncé qu'il souhaitait dégager une nouvelle majorité à l'Assemblée pour soutenir sa politique de réformes, faute de quoi il dissoudrait la chambre basse.
Les amis de M. Kabila revendiquent une majorité de plus de 300 députés sur 500.Ils accusent M. Tshisekedi de vouloir instaurer "un régime dictatorial au service d'un pouvoir personnel".
L'offensive du président Tshisekedi a été relayée dès lundi à l'Assemblée par ses partisans.Dans la salle des plénières, des membres de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti présidentiel) ont détruit du mobilier pour empêcher la tenue d'une séance convoquée par la présidente pro-Kabila de l'Assemblée, Jeanine Mabunda.
Mardi, une bataille rangée entre pro-Tshisekedi et pro-Kabila a éclaté dans le hall du Parlement, avec au moins trois blessés.Des supporteurs des deux camps s'étaient mêlés aux députés.
- Un jeudi ordinaire à Kinshasa -
Jeudi matin, des centaines de policiers ont filtré les entrées au "palais du Peuple", le siège du Parlement, a constaté un journaliste de l'AFP.Les forces de l'ordre n'ont laissé passer que les députés, les agents du Parlement et les journalistes accrédités.
Ailleurs dans la capitale, la vie était absolument normale.Un forum annuel des élites du monde des affaires se tenait comme prévu, de même qu'un débat sur les violences sexuelles.
Mais tous les regards étaient tournés vers l'Assemblée, où une séance plénière a commencé en début d'après-midi pour "l'examen et le vote des pétitions à charge des six membres du bureau" sortant.
Première visée, la présidente de l'Assemblée, Jeanine Mabunda, s'est défendue sur le fond pendant plus de 15 minutes face aux accusations d'"opacité" dans sa gestion financière portées contre elle.
"Se basant sur des éléments purement techniques et non politiques, j'invite l'auguste Assemblée à rejeter cette pétition formulée à notre encontre", a-t-elle conclu dans une ambiance survoltée.
L'Assemblée pourrait se prononcer par vote dès ce jeudi après avoir entendu la défense des cinq autres membres du bureau sortant (un vice-président accusé d'"incompétence notoire", deux rapporteurs et deux questeurs).
La plénière a été convoquée par un nouveau bureau provisoire de l'Assemblée installé mardi à l'initiative des partisans de Félix Tshisekedi.Cette équipe provisoire de trois membres a été reçue mercredi par le chef de l'Etat, selon des médias congolais.
Au delà des méandres de la procédure parlementaire, la communauté internationale ne perd pas de vue le gros enjeu de la crise: la stabilité du géant d'Afrique, dont l'immense potentiel économique (agriculture, ressources hydrauliques...) est plombé par la corruption et un Etat défaillant.
La RDC est régulièrement perçue comme une menace pour la stabilité régionale, avec ses 2,3 millions de km2, ses neuf frontières, et ses interminables conflits armés à l'Est (deux provinces du Kivu et Ituri).
- Etats-Unis, France et Belgique derrière Tshisekedi -
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné "les incidents violents" qui ont éclaté au Parlement lundi et il a appelé mardi "tous les acteurs politiques à résoudre leurs différends pacifiquement", un message repris par les grandes ambassades à Kinshasa.
Dans leur ensemble, les chancelleries appuient M. Tshisekedi, à commencer par les Etats-Unis: "Nous soutenons le processus démocratique en cours en regardant ce qu'il y a de meilleur pour l'avenir de la RDC", a écrit mercredi sur Twitter le secrétaire d'Etat adjoint, Tibor Nagy.
"La France soutient les réformes engagées par le président Tshisekedi et appelle toutes les parties prenantes à un débat politique apaisé", a également indiqué Paris via son ambassade.
"La Belgique est prête à contribuer à la mise en œuvre des importantes réformes" du président Tshisekedi, a indiqué l'ancienne puissance coloniale.
"Les positions (entre les camps Tshisekedi et Kabila) semblent irréconciliables et c'est le bras de fer", s'inquiète un diplomate, qui redoute "un possible dédoublement des institutions" donc de "grosses tensions".
Fils du chef historique de l'opposition aux Kabila, Félix Tshisekedi a été proclamé vainqueur de l'élection présidentielle contestée du 30 décembre 2018.Dans le même temps les législatives donnaient une majorité parlementaire aux forces politiques de son prédécesseur Joseph Kabila.
MM.Tshisekedi et Kabila avaient alors signé un accord de coalition.Le 24 janvier, M. Kabila, aux affaires depuis 18 ans, avait transmis le pouvoir à M. Tshisekedi, première transition pacifique dans l'histoire toujours agitée du Congo.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous