La mise à l'écart de Mme Mabunda représente une étape importante dans la crise politique en cours dans le plus grand pays d'Afrique sub-saharienne, où le chef de l'Etat a annoncé dimanche la fin de la coalition qu'il formait avec son prédécesseur depuis janvier 2019.
Le président avait prévenu qu'il souhaitait dégager une nouvelle majorité à l'Assemblée pour soutenir sa politique de réformes, faute de quoi il dissoudrait la chambre basse.
A peine quatre jours plus tard, l'Assemblée a voté jeudi la destitution de sa présidente pro-Kabila par 281 voix, contre 200 pour son maintien.
"C'est le tournant du quinquennat", s'est félicité sur Twitter un proche collaborateur du chef de l'Etat, Michée Mulumba.
"C'est la fin de règne de Kabila", s'est félicité un député pro-Tshisekedi, Crispin Mbindule."Nous sommes la majorité parlementaire au niveau de l'Assemblée nationale".
"Continuons la lutte, chers soldats", a réagi le PPRD, le parti d'origine de Joseph Kabila.
Le Front commun pour le Congo (FCC, fédération des partis pro-Kabila) revendiquait pourtant une majorité de plus de 300 députés sur 500 depuis les élections de décembre 2018.
Le FCC accuse les partisans de M. Tshisekedi d'avoir débauché ses députés en échange d'importantes sommes d'argent.
- L'Occident derrière Tshisekedi -
Au-delà des querelles politiciennes, la communauté internationale suit avec attention le grand enjeu de cette crise: la stabilité du géant d'Afrique, dont l'immense potentiel économique (agriculture, ressources hydrauliques...) est plombé par la corruption et un Etat défaillant.
La RDC est régulièrement perçue comme une menace pour la stabilité régionale, avec ses 2,3 millions de km2, ses neuf frontières et ses interminables conflits armés à l'Est (deux provinces du Kivu et Ituri).
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné "les incidents violents" qui ont éclaté au Parlement lundi et a appelé "tous les acteurs politiques à résoudre leurs différends pacifiquement", un message repris par les grandes ambassades à Kinshasa.
Dans leur ensemble, les chancelleries appuient M. Tshisekedi, à commencer par les Etats-Unis: "Nous soutenons le processus démocratique en cours en regardant ce qu'il y a de meilleur pour l'avenir de la RDC", a écrit mercredi sur Twitter le secrétaire d'Etat adjoint, Tibor Nagy.
"La France soutient les réformes engagées par le président Tshisekedi et appelle toutes les parties prenantes à un débat politique apaisé", a également indiqué Paris via son ambassade.
"La Belgique est prête à contribuer à la mise en œuvre des importantes réformes" du président Tshisekedi, a indiqué l'ancienne puissance coloniale.
"Les positions (entre les camps Tshisekedi et Kabila) semblent irréconciliables et c'est le bras de fer", s'inquiète un diplomate, qui redoute "un possible dédoublement des institutions", et donc de "grosses tensions".
Le président avait indiqué dimanche qu'il souhaitait une nouvelle majorité pour mener d'importantes réformes, notmament pour lutter contre la corruption et les groupes armés dans l'Est.
Jeudi, il avait à nouveau reçu des hauts gradés de l'armée, dont beaucoup ont été nommés pendant les 18 ans du régime Kabila (janvier 2001-janvier 2019).
- "Opacité" financière -
La plénière et le vote de jeudi ont été convoqués par un nouveau bureau provisoire de l'Assemblée, installé mardi à l'initiative des partisans de Félix Tshisekedi.
L'Assemblée avait à se prononcer sur des "pétitions" (sorte de motions de défiance) déposées envers Mme Mabunda et les cinq membres du bureau sortant (un vice-président, deux rapporteurs, deux questeurs).
Accusée d'"opacité" dans sa gestion financière, Mme Mabunda s'est défendue point par point à la tribune, en appelant les députés à se prononcer "sur des éléments purement techniques et non politiques".
Fils du chef historique de l'opposition aux Kabila, Félix Tshisekedi a été proclamé vainqueur de l'élection présidentielle contestée du 30 décembre 2018.Dans le même temps, les législatives donnaient une majorité parlementaire aux forces politiques de son prédécesseur Joseph Kabila.
MM.Tshisekedi et Kabila avaient alors signé un accord de coalition.Le 24 janvier 2019, M. Kabila, aux affaires depuis 18 ans, avait transmis le pouvoir à M. Tshisekedi, première transition pacifique dans l'histoire toujours agitée du Congo.
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