Derrière les lignes rebelles en Libye, discussions sans fin sur la stratégie

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RAS LANOUF (Libye) (AFP)

Tout au long des positions rebelles dans l'est de la Libye, entre deux raids aériens ou pilonnages d'artillerie, les combattants se chamaillent sur la conduite des opérations.La planification demeure balbutiante au sein d'un soulèvement qui se militarise de jour en jour.

"Puisque c'est comme ça, je m'en vais, ça suffit!", s'emporte le servant d'une batterie antiaérienne à la sortie de Ras Lanouf, dernière localité tenue par l'insurrection avant les lignes ennemies, au terme d'une âpre dispute avec ses compagnons d'armes.

"Il faut le comprendre, ça fait cinq jours qu'il reste là sans dormir", observe l'un d'entre eux, Mohammed Ali, 30 ans, tandis que l'artilleur improvisé, vêtu de noir, met sa menace à exécution.

"Il n'y a pas de tactique, chacun agit dans son coin.Ce n'est pas terrible comme organisation", reconnaît Mohammed Ali, arrivé de Benghazi, citadelle du soulèvement dans l'est du pays, originaire de Misrata, ville insurgée assiégée par le régime.

Le guérillero indique prendre ses ordres de deux jeunes officiers basés à Brega, à environ 120 km à l'est, vétérans de campagnes africaines de l'armée libyenne, au Tchad et en Ouganda.

"Nous essayons de nous coordonner avec eux quand on arrive à se joindre par téléphone", ajoute-t-il.

A proximité, un combattant barbu en bandeau noir, jeans et sandales installé devant une batterie antiaérienne ceinturée de caisses de munitions argumente avec un petit groupe.

"Ce n'est pas bien de laisser les jeunes aller au casse-pipe contre l'artillerie et les chars.Tout ce qu'on aura gagné, c'est qu'ils se fassent tailler en pièces", prévient-il.

Depuis le basculement de la contestation vers une révolte armée, des milliers de Libyens - de 6.000 à 8.000 selon les estimations - sont spontanément montés au front avec leur équipement militaire et leur véhicule personnel, puisant également dans les abondants stocks d'armes et de munitions de la région.

"Nos jeunes n'ont pas beaucoup d'expérience mais ils ont du courage à revendre", affirme Issa al-Choukri, 36 ans, un enseignant en informatique de Benghazi, présent dès l'aube aux côtés des troupes à Ras Lanouf.

"Ce sont les jeunes qui commandent", assure-t-il, employant la formule consacrée pour les manifestants de la première heure, par opposition aux officiers ou ex-dignitaires du régime passés dans l'autre camp.

"Le militaire se bat pour sa solde mais le révolutionnaire cherche la victoire ou le martyre, qu'est-ce qui vaut le mieux ?", demande-t-il, laissant entendre que la réponse est évidente.

De fait, l'expertise militaire des unités entières qui ont fait défection tarde à se traduire sur le terrain.

Sur le terrain, les seules consignes centralisées émanent de l'autorité désincarnée des haut-parleurs installés sur des véhicules qui lancent leurs injonctions par intermittences. 

"Nous sommes tous des spécialistes, chacun en charge de son domaine de compétence militaire", explique Mohammed el-Abidi, un ancien commandant de la défense antiaérienne de Benghazi aux cheveux blancs, avec à la main une liste 15 ex-colonels ralliés à la révolution, dans un article extrait de la presse insurgée.

"Il n'y a que des colonels, les généraux sont les amis de Mouammar" Kadhafi, le dirigeant libyen, s'amuse l'officier supérieur, venu de Benghazi avec un camion sur lequel est disposée une rangée de missiles sol-air.

"Ici c'est une milice, il n'y a pas moyen de les organiser", constate-t-il sur un ton désabusé à la vue des forces regroupées à l'entrée de Ras Lanouf, un tube antiaérien sur l'épaule, avant de remonter dans son véhicule en direction de l'est.

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