D'immenses défis se profilent maintenant, dont celui de la légitimité, pour un chef de l'État élu avec 53,16% des voix et une participation de 35,25% sur un territoire quasiment réduit à la capitale et ses environs.
Dans une déclaration commune publiée lundi soir à New York, la communauté internationale a validé pour sa part cette légitimité.Leur texte souligne que l'Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, l'ONU et l'Union européenne "prennent note" de la proclamation de la Cour Constitutionnelle centrafricaine et appellent à la "respecter".
En réaffirmant leur condamnation des violences et en exhortant les groupes armés à y mettre un terme, ces organisations "encouragent tous les acteurs à travailler ensemble, dans un climat apaisé, pour créer les conditions favorables à la finalisation des prochaines étapes du processus électoral, en particulier les élections législatives", précise leur déclaration.
Il faudra également au président de redresser, sous la menace d'un putsch, l'économie à l'agonie du deuxième pays le plus pauvre du monde, dont plus de la moitié des habitants ont besoin d'assistance humanitaire et un quart ont fui leur domicile depuis le début de la guerre civile en 2013, selon l'ONU.
Pour son premier discours depuis sa réélection officielle, le chef de l'État a appelé à la réconciliation nationale et déclaré tendre la main à l'opposition démocratique.Il a en revanche fermement condamné l'offensive rebelle, déclenchée huit jours avant la présidentielle pour perturber le scrutin, de six des plus puissants groupes armés qui occupent les deux-tiers de la Centrafrique.
- Deux Casques bleus tués -
"Les auteurs, coauteurs et complices présumés de ces crimes imprescriptibles commis contre le peuple centrafricain seront recherchés, arrêtés et traduits devant les juridictions compétentes", a-t-il affirmé, le jour même où deux Casques bleus - un Gabonais et un Marocain - ont été tués dans une embuscade rebelle dans le sud du pays, à près de 750 km de la capitale Bangui.
Depuis qu'ils ont juré de "marcher sur Bangui", les rebelles mènent des attaques sporadiques mais parfois violentes, généralement loin de la capitale, même si deux attaques simultanées d'environ 200 assaillants ont été repoussées le 13 janvier à Bangui.
Les rebelles se heurtent jusqu'à présent à des forces bien supérieures en nombre et lourdement équipées: quelque 12.000 Casques bleus de la force de maintien de la paix de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca) présents depuis 2014 mais aussi des centaines de militaires rwandais et paramilitaires russes dépêchés fin décembre par leurs pays à la rescousse de M. Touadéra et d'une armée démunie.
La Cour constitutionnelle a rejeté les recours en annulation de 13 des 16 rivaux du chef de l’État sortant.Ils invoquaient des "fraudes massives" et l'impossibilité pour deux électeurs inscrits sur trois de voter en raison de l'insécurité.
L'ancien Premier ministre Anicet Georges Dologuélé est arrivé deuxième avec 21,69% des voix.
M. Touadéra, professeur de mathématiques pures de 63 ans, avait été élu en 2016 à la surprise générale, alors que la guerre civile faisait rage.Elle a baissé d'intensité depuis 2018 même si les groupes armés, devenus prédateurs des maigres richesses du pays, continuaient de sévir sporadiquement contre les civils.
"Premier tour KO!", ont scandé plusieurs centaines de personnes devant le siège du parti de M. Touadéra.Des coups de klaxon ont retenti, mais dans des rues vides ou loin de l'animation habituelle depuis l'offensive rebelle, les habitants redoutant l'incursion d'assaillants ou des représailles des forces de l'ordre, l'opposition dénonçant des arrestations arbitraires et des "disparitions".
- "Fiasco démocratique" -
La Cour constitutionnelle a bien annulé ou redressé les résultats de certains bureaux de vote pour des irrégularités, mais a jugé que, "compte tenu de l'ampleur de l'écart des voix", leur impact "n'a pas pu inverser les résultats".
"Ces élections sont un fiasco démocratique sous le regard de la communauté internationale qui a pu observer les dérives pas à pas et qui les a légitimées", assène Nathalia Dukhan, spécialiste de la Centrafrique pour l'ONG anticorruption américaine The Sentry.
"La Cour constitutionnelle a choisi, une fois de plus, de se tenir à côté de la communauté internationale: pas aveugle sur certains abus mais désireuse d'éviter une annulation du vote", estime de son côté Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris.
"Vous avez vu avec quelle volonté le peuple centrafricain s'est manifesté ?", a lancé M. Touadéra au siège de son parti après l'annonce officielle, ajoutant: "Même sous les balles, ils sont allés voter.Fallait-il donner raison à ceux qui voulaient empêcher les centrafricains d'exercer leur devoir civique ?"
"Une partie du peuple centrafricain, en guerre, a été empêchée de voter par des actes de terreur", mais malgré cela, "le peuple a envoyé un message clair et fort à ceux qui les terrorisaient (...) et au monde entier", a également jugé la Cour constitutionnelle par la voix de sa présidente, Mme Darlan.
Mais "si la légitimité s'acquiert par les urnes, elle n'est jamais définitivement acquise, elle doit être conquise et maintenue au quotidien par l'exercice du pouvoir et la bonne gouvernance", a ajouté la Cour.
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