Le gouvernement somalien dément vigoureusement et assure qu'aucun soldat somalien n'a combattu au Tigré, où le gouvernement fédéral éthiopien a lancé en novembre une opération militaire contre les forces de sécurité régionales pour renverser les dirigeants locaux qui contestaient son autorité.
L'affaire suscite l'émotion en Somalie et la pression monte pour expliquer le sort des disparus, dans un pays qui se prépare à des élections tendues, déjà plusieurs fois reportées.
Les familles ont saisi les parlementaires: la commission des Affaires étrangères a écrit au chef de l'Etat somalien, Mohamed Abdullahi Mohamed, surnommé "Farmajo", pour s'enquérir du "nombre de soldats formés en Erythrée" et savoir "quand ils doivent rentrer au pays".
"La dernière fois que j'ai parlé à mon fils, c'était il y a 22 jours", raconte à l'AFP Hussein Ibrahim.Au lieu de s'entraîner au Qatar, comme initialement prévu, le jeune soldat avait alors atterri en Erythrée.
- "Propagande" -
"Il allait bien mais il était inquiet car certains de ses camarades avaient été envoyés hors du camp, sans qu'il sache où", reprend son père.
Depuis, "je ne sais pas à qui m'adresser pour savoir ce qui lui est arrivé.Il y a des informations partout selon lesquelles ceux qui étaient en Erythrée ont été envoyés combattre en Ethiopie et que certains sont morts".
Des récits qualifiés de "propagande" par le ministre somalien de l'Information, Osman Abukar Dubbe."Il n'y a pas eu de troupes somaliennes combattant au Tigré et le gouvernement éthiopien n'a fait aucune requête en ce sens", a-t-il assuré le 19 janvier.
Un haut gradé somalien a confirmé à l'AFP que certaines recrues avaient été envoyées se former en Erythrée."Mais ces informations à propos de soldats somaliens engagés au Tigré sont sans fondement", affirme-t-il sous couvert d'anonymat.
Alors, qu'est-il advenu des disparus?"Il faut que le président somalien entende notre appel et nous dise si nos enfants sont en vie ou non", supplie Fadumo Moalim Abdulle, dont le fils a été envoyé en Erythrée.
L'ancien chef adjoint du renseignement somalien, Abdisalam Guleid, assure à l'AFP que "la Somalie a bien pris part à ce conflit (au Tigré) et que beaucoup de soldats sont morts", selon ses contacts au sein des services secrets éthiopiens.
- Régionalisation du conflit -
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a proclamé fin novembre la fin du conflit au Tigré, lorsque l'armée fédérale a pris la capitale régionale Mekele.Mais certains dirigeants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), parti qui dirigeait la région, ont fui et promis de poursuivre la lutte contre Addis Abeba.
Ce conflit a fait "plusieurs milliers de morts", selon l'International Crisis Group (ICG), mais un bilan précis est pour l'instant impossible à établir, dans cette région qui demeure difficile d'accès.
Dès novembre, certains observateurs redoutaient une potentielle régionalisation de ce conflit, susceptible de déstabiliser la Corne de l'Afrique.
Mi-janvier, le gouvernement éthiopien a réfuté la présence de troupes somaliennes au Tigré et continué de nier l'implication de l'Erythrée voisine à ses côtés dans le conflit, malgré les forts soupçons de la communauté internationale et d'organisations humanitaires.
"L'Ethiopie n'a jamais invité les pays voisins, ni aucun autre, à prendre part à ce conflit", a expliqué le porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères, Dina Mufti.
Le régime d'Asmara est l'ennemi juré du TPLF depuis la guerre ayant opposé l'Erythrée et l'Ethiopie entre 1998 et 2000, au temps où le tout-puissant parti tigréen contrôlait tous les leviers du pouvoir à Addis Abeba.
Premier ministre depuis 2018, M. Abiy a peu à peu marginalisé l'ancienne élite tigréenne, tout en opérant un rapprochement historique avec l'Erythrée, ce qui lui a notamment valu le prix Nobel de la paix en 2019.
Il a également signé un accord de coopération tripartite entre son pays, l'Erythrée et la Somalie.
Selon un analyste de la région, l'envoi au Tigré d'un petit contingent de soldats somaliens entraînés par l'Erythrée est plausible, Asmara ayant déjà utilisé des soldats étrangers placés sous son autorité pour servir ses propres intérêts.
"Il est clair que des soldats (somaliens) sont partis en Erythrée.Certains sont revenus", explique-t-il à l'AFP sous couvert d'anonymat."Mais le gouvernement n'a jamais donné de détails sur ces troupes (...) C'est silence radio".
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