L'usine, la cheminée et le terril de la Générales des carrières et des mines (Gécamines) restent les emblèmes de la ville, aux portes de la Zambie et de l'Afrique australe, au coeur de la "ceinture de cuivre".
A 2.000 km de là, le pouvoir de Kinshasa garde la mainmise sur l'entreprise 100% publique, héritière de l'Union minière du Haut-Katanga fondée par les colons belges en 1906.
Son directeur général, Sama Kukonde Kyenge, vient d'être nommé Premier ministre par le président Félix Tshisekedi qui a écarté son prédécesseur à la tête de l'Etat Joseph Kabila de la cogestion du pouvoir.
"Je me considère comme un pur produit de la Gécamines: j'ai étudié dans ses écoles, j'y ai effectué tous mes stages et je suis issu de son système", confiait M. Kyenge juste avant sa nomination à la revue spécialisée Mining and Business."Elle a contribué à forger l'homme que je suis".
Le numéro 1 de la Gécamines reste l'homme d'affaires Albert Yuma, un proche de l'ancien régime Kabila, dans le viseur de la présidence Tshisekedi: sa réélection fin 2020 à la tête du syndicat patronal FEC a été contestée comme jamais devant la justice par son rival.
- Cours extrêmement volatiles -
Sur le papier, la Gécamines dispose des clés du "monde d'après" en manque de voitures propres.Outre le cuivre, l'entreprise et la RDC sont les premiers producteurs mondiaux de cobalt, nécessaire aux batteries électriques.Le cobalt augmente leur "densité d'énergie".
L'entreprise congolaise est partenaire du géant suisse des matières premières Glencore "qui a signé un contrat à long terme pour fournir du cobalt à Tesla", le pionnier des voitures électriques, se félicite un dirigeant.
Sur le front social, la Gécamines s'est aussi arrogée le monopole du négoce des minerais avec les mineurs artisanaux, par sa filiale Entreprise générale du cobalt (EGC).
L'objectif est d'acheter "entre 15.000 et 20.000 tonnes" de cobalt par an aux "creuseurs", sur une production pays de près de 78.000 tonnes en 2019.
Il s'agit aussi de "mettre de l'ordre" dans la filière artisanale, dénoncée depuis des décennies pour ses conditions de travail déplorables.
La Gécamines vit au rythme de cours du cobalt extrêmement volatiles: 50.000 dollars la tonne, après l'euphorie d'il y a trois ans et des pointes à 95.000 dollars début 2018.
Travail, loisir, sport, santé, éducation: jusque dans les années 80, la Gécamines était "un Etat dans l'Etat" à Lubumbashi.
- "On l'appelait papa et maman" -
"On l'appelait papa et maman.On nous donnait des soins pour rien.Les enfants pouvaient étudier gratuitement jusqu'au secondaire", se souvient un ancien membre de l'encadrement, Pierre Katamba.
Puis vinrent les terribles années "nonante" (1990).Comme d'autres régions industrielles, le Katanga a mal encaissé le choc de la mondialisation.
La RDC a de plus subi les ravages d'un changement de pouvoir et de deux guerres civiles (1996-2003).
En 2003, la Banque mondiale a financé un plan de départ pour 10.655 agents sur 36.000.Une partie de l'argent a été détournée par les autorités de l'époque.
Dix-huit ans plus tard, M. Katamba et d'autres anciens cadres se réunissent toujours trois fois par semaine pour aider leurs collègues (ou leur famille, quand ils sont morts) à faire valoir leurs droits sur l'ensemble des indemnités promises en 2003.
"En un mot on vit mal", soupire Laurent Ilunga Kazadi, 74 ans, costume impeccable.
A 74 ans également, le guitariste Marcel Tshibanda porte aussi la mémoire vivante d'un âge d'or ouvrier congolais.
- ex-Rhodésie du Nord -
Le musicien a travaillé jusqu'en 1993 à la Gécamines comme "secrétaire au service de la formation des conducteurs d'engins lourds".
Pendant ses loisirs, M. Tshibanda jouait de la guitare dans un groupe de "jecoké", style musical qui a prospéré et décliné au rythme du géant minier congolais.
Sponsorisés par les -uvres sociales de la Gécamines, les groupes de jecoké intégraient des danseurs."Ils divertissaient les mineurs", expliquait le photographe français Gwenn Dubourthoumieu lors d'une exposition à Paris il y a plusieurs années.
Les "jecoké" (pour Jeunesse comique de la Kénya, un quartier populaire de Lubumbashi) se sont imprégnés des influences venues de l'ex-Rhodésie du Nord britannique voisine (actuelle Zambie).
"Les Anglais, ils avaient leur rythme, là", mime Marcel en tapant une sorte de rock binaire sur sa guitare fabriquée à la main.
"Tout le monde a abandonné le jecoké pour s'intéresser à la rumba", soupire Marcel Tshibanda, en jouant une boucle mélodique sautillante, typique de la rumba kinoise.
"Je suis en train de chercher à former un orchestre, si je trouve des sponsors", rêve-t-il sous le regard approbateur de son compère danseur Jean-Marie.
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