Dans cette nation de 990.000 habitants, les électeurs vont se rendre aux urnes pour départager deux candidats aux profils diamétralement opposés.
M. Guelleh, 73 ans, préside depuis 22 ans aux destinées de ce territoire désertique situé face à l'une des voies maritimes les plus empruntées au monde et à proximité d'une poignée de pays parmi les plus dangereux de la planète.
Ses quatre mandats ont été marqués par un développement de l'économie, reposant sur l'essor des ports et des structures logistiques, mais aussi par un exercice du pouvoir autoritaire laissant peu de place à la contestation ou à la liberté de la presse.
En face, Zakaria Ismail Farah, 56 ans, est un homme d'affaires spécialisé dans les produits de désinfection, fraîchement débarqué en politique.Il possédait la double nationalité et a obtenu de justesse la révocation de sa nationalité française pour pouvoir être candidat.
En l'absence des leaders historiques de l'opposition, qui boycottent le scrutin, cet inconnu du grand public représente la seule alternative à "IOG", figure incontestée du pouvoir qui a remporté avec plus de 75% des voix chaque présidentielle à laquelle il a participé.
Celle de vendredi devrait être son dernier tour de piste: en 2010, une réforme de la Constitution a, à son initiative, supprimé la limitation à deux mandats présidentiels, mais a aussi instauré un âge maximum de 75 ans pour les candidats.
- "Inégalité de traitement" -
Malgré une vague d'infections au Covid-19, avec actuellement près de 200 cas quotidiens et 23% de positivité des tests, la campagne électorale du parti du chef de l'Etat, l'Union pour la majorité présidentielle (UMP), a rassemblé des milliers de militants, masqués ou non, portant un T-shirt vert pomme floqué du slogan "IOG, le choix de la jeunesse".
Zakaria Ismail Farah a tenu quelques rassemblements timides, avant d'annuler tous ceux prévus lors des 10 derniers jours de campagne.Il se plaint notamment de ne pas bénéficier d'un service de maintien de l'ordre.
Le 28 mars, lors d'un meeting, celui qui s'est déclaré "porte-étendard des Djiboutiennes et Djiboutiens d'en bas" s'est présenté les poings liés et la bouche recouverte par un épais ruban adhésif marron, avant de dénoncer "l'inégalité de traitement dont il est victime".
Au cours de la campagne, plusieurs manifestations contre un cinquième mandat du président Guelleh ont rassemblé jusqu'à une cinquantaine de personnes, souvent suivies d'arrestations.
"Il y a un durcissement du régime petit à petit, de 1999 à aujourd'hui", estime Sonia le Gouriellec, docteure en sciences politiques et auteure du livre "Djibouti: la diplomatie de géant d'un petit Etat".
"Plus il s'est ouvert sur le monde, plus il s'est refermé en interne", ajoute-t-elle à propos des ambitions diplomatique et économique de Djibouti.
- Diplomatie contrariée -
Indépendant de la France depuis 1977, ce pays stable suscite l'intérêt des grandes puissances, accueillant notamment des bases militaires américaine, française, mais aussi japonaise et, depuis 2017, chinoise.
Il se rêve aussi en "Dubaï de l'Afrique" et entend développer encore ses importantes infrastructures logistiques et ses services, grâce à des investissements étrangers, à commencer par ceux de la Chine.
Cette dernière a entre autres financé la construction d'un nouveau chemin de fer reliant Djibouti à Addis Abeba, inauguré en 2017, et celle de la plus grande zone franche d'Afrique, débutée en 2018.
"Avant il y avait une multiplication des alliances (...) Ce qu'il s'est passé dans le dernier mandat, c'est qu'ils sont tombés dans un total tête-à-tête, une totale dépendance vis-à-vis des Chinois, en cinq ans c'est très marquant", poursuit Sonia Le Gouriellec.
Par ailleurs, l'influence de Djibouti semble décroître à l'échelle régionale, où l'alliance entre l'Ethiopien Abiy Ahmed et l'Erythréen Issaias Afeworki a pris de court M. Guelleh, ennemi juré de ce dernier, souligne la chercheuse.
L'arrestation en avril 2020 du lieutenant de l'armée de l'Air Fouad Youssouf Ali, qui dénonçait les discriminations claniques et la corruption dans l'armée, a provoqué dans la population un vent de contestation inhabituel dans cet Etat à l'appareil sécuritaire puissant.
Après une chute liée à la pandémie de Covid-19 (-1% en 2020), la croissance djiboutienne devrait retrouver un niveau similaire aux années précédentes, avec une prévision de +7% pour 2021 et 2022.Mais la croissance bénéficie peu à la population, touchée à 21,1% par la pauvreté extrême, selon des données 2017 de la Banque mondiale.
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