Catholique fervent, le président, réélu en octobre dernier, n'était pas apparu en public depuis près de trois semaines.Il était hospitalisé depuis le 14 mars à l'hôpital Emilio Mzena, où il est décédé mercredi en fin d'après-midi, a annoncé dans la soirée la vice-présidente, Samia Suluhu Hassan.
Dans un monde en proie à l'épidémie de Covid-19, le "Bulldozer" avait marqué les esprits en n'ayant de cesse de minimiser l'existence et la dangerosité du virus, estimant que son pays en avait été libéré depuis mi-2020 grâce "aux prières".
Pour moquer l'acuité des tests, M. Magufuli avait affirmé mi-2020 qu'une papaye, une caille ou encore une chèvre avaient été testées positives au Covid.
Peu après, en juillet, il avait déclaré que la prière, plutôt que le port du masque avait sauvé le pays de l'épidémie: "c'est pourquoi nous ne portons pas tous des masques ici (...), parce qu'il n'y a pas de Covid-19".
En janvier 2021, il avait qualifié les vaccins contre le Covid de "dangereux".
Mais cette posture est récemment devenue intenable face une vague de décès, officiellement attribués à des pneumonies, touchant parfois jusqu'à de hauts responsables politiques.
A l'enterrement du chef de la fonction publique, mort du covid, M. Magufuli avait admis la présence dans son pays du coronavirus, refusant toutefois de le nommer : un revirement, mais aussi un appel à plus de prières.
"Quand cette maladie respiratoire est apparue l'an dernier, nous avons gagné parce que nous avons placé Dieu en premier et pris d'autres mesures.Je suis sûr que nous vaincrons à nouveau si nous refaisons de même", a-t-il dit.
- "Homme du peuple" -
Né dans le nord-ouest de la Tanzanie, sur les bords du lac Victoria, M. Magufuli y a grandi dans une modeste demeure au toit de chaume, surveillant le bétail et vendant du lait et du poisson pour aider sa famille.
"Je sais ce que c'est que d'être pauvre", a souvent souligné ce père de cinq enfants à l'allure de professeur - fines lunettes à montures métalliques et bouc grisonnant.
Il n'a cessé de se présenter en "homme du peuple", malgré un doctorat de chimie, des études en Grande-Bretagne et, surtout, une carrière essentiellement politique qui a fait de lui un apparatchik.
Membre du CCM (Chama Cha Mapinduzi), l'ex-parti unique, au pouvoir depuis l'indépendance du pays, il fut, sans interruption, ministre pendant 20 ans, jusqu'à son élection à la présidence en 2015.
Son programme présidentiel de lutte implacable contre la corruption lui attire alors les suffrages d'une population fatiguée des malversations ayant émaillé le mandat de son prédécesseur.
Elu, il prend rapidement des décisions très populaires: interdiction des voyages officiels en première classe, réduction drastique des confortables per diem des délégations gouvernementales voyageant à l'étranger.
Au cours de ce premier mandat, il consacre également les fonds alloués aux dispendieuses célébrations de la fête de l'indépendance à une campagne de nettoyage.Au point de susciter sur Twitter le mot-dièse "Que ferait Magufuli?", compilation de messages rivalisant d'humour pour trouver des moyens innovants d'économiser de l'argent.
Outre le combat contre la corruption, ses partisans ont loué ses projets d'infrastructures ou encore la renégociation de contrats avec des compagnies étrangères pour améliorer la part revenant au pays.
- "Il écrase tout" -
Mais son style direct, souvent abrupt, sa tendance à faire fi des procédures et à agir sur des coups de tête ont aussi rapidement suscité l'inquiétude quant à la dérive autoritaire dans un des pays les plus stables de l'Afrique de l'Est.
Ce premier mandat fut aussi marqué par des lois répressives contre la presse, et des arrestations de journalistes et d'opposants.
"Il écrase tout sur son passage: les lois, les droits humains, tout", a dit de lui Aikande Kwayu, un analyste politique tanzanien.
Côté moeurs, le président Magufuli a ordonné le renvoi de l'école des mères adolescentes et les défenseurs des droits humains ont dénoncé une répression sans précédent de la communauté LGBT sous sa présidence.
M. Magufuli avait été réélu en octobre dernier pour un second mandat avec 84,39% des voix au terme d'une élection dont l'opposition a rejeté en bloc les résultats, criant à la fraude et dénonçant une "imposture totale".
Peu après le scrutin, l'ONU s'est inquiétée de l'arrestation d'au moins 150 membres et dirigeants de l'opposition.Tundu Lissu, le principal adversaire de Magufuli, un temps arrêté, a quitté le pays en novembre pour rejoindre la Belgique, évoquant des raisons de santé et de sécurité.
Comme agacé, le président avait déclaré quelques jours plus tard, à la tribune de l'Assemblée nouvellement élue : "La liberté, les droits et la démocratie viennent avec des responsabilités et chacun (de ces concepts) a des limites.J'espère que je me fais bien comprendre."
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