Patientant au soleil devant les bureaux de vote, les Cairotes, champions de l'abstention sous Hosni Moubarak, participaient en masse samedi à un référendum en savourant leur toute nouvelle liberté, qu'ils soient pour ou contre la révision constitutionnelle proposée.
"Plus personne n'a peur, les gens sortent voter sans craindre les baltaguiya", s'extasie Fawquiya Mohammed, soulagée de l'absence de ces hommes de main de l'ancien régime qui terrorisaient électeurs et opposants.
"Avant, c'était joué d'avance, alors on s'épargnait le trajet", sourit Magda Malak Salib.
A 73 ans et 61 ans, les deux Egyptiennes votent pour la première fois de leur vie.Pour elles, comme pour l'écrasante majorité des personnes interrogées dans une école transformée en bureau de vote à Imbaba, un quartier populaire de la capitale, ce sera oui aux amendements. "Le pays est à l'arrêt, le gouvernement provisoire n'arrive pas à prendre de décisions.La stabilité est essentielle", fait valoir Ali Hassan, 38 ans.
Les Egyptiens doivent se prononcer sur des amendements constitutionnels proposés par une commission de juristes nommée par l'armée, qui gère le pays depuis la chute du président Hosni Moubarak le 11 février.
Cette révision allège notamment les conditions de candidature à la présidence et réduit le mandat présidentiel de six à quatre ans.
"L'armée n'a pas que ça à faire, il faut avant tout qu'elle protège le pays des menaces extérieures", estime Kamal Salem Orabi, un directeur d'école. "Après ça, on pourra changer la Constitution en prenant notre temps.La place Tahrir est toujours là" si les promesses de démocratisation ne sont pas tenues, assure-t-il.
Mais sur l'autre rive du Nil, dans le quartier chic de Zamalek, nombreux sont ceux à dire qu'ils voteront "évidemment non".
"Bien sûr que je vote non.Il faut une nouvelle Constitution.Ces histoires selon lesquelles ce serait le chaos si le non l'emporte, ce sont des foutaises", s'emporte Heba al-Sayed. "Et puis je doute des intentions du Conseil suprême (des forces armées).Ses dirigeants faisaient quand même partie de l'ancien régime", ajoute-t-elle, en demandant la formation d'un conseil présidentiel qui gèrerait le pays pendant une période de transition prolongée et une assemblée constituante.
Plusieurs centaines de personnes attendaient patiemment de voter dans une ambiance détendue à Zamalek.Selon un soldat, les premiers électeurs sont arrivés une demi-heure avant l'ouverture.
L'affluence était tout aussi importante dans d'autres quartiers du Caire.
A Boulaq Aboul-Ela, les responsables d'un bureau de vote se disaient surpris et émerveillés de l'affluence."C'est la première fois qu'on voit une chose pareille", dit l'un d'entre eux. Une longue file s'étendait également dans la cour d'une école du quartier aisé de Garden City.Soeur Suzanne, une religieuse de la congrégation de la Mère de Dieu, arbore fièrement son pouce taché d'encre, preuve qu'elle a mis son bulletin dans l'urne. "Je ne veux pas d'amendements, je veux un changement, un vrai, un radical", explique-t-elle.
Mais juste à côté, assis sur une chaise à l'ombre, Mohammed Mouwafi, 75 ans, assure que "ceux qui votent non ont des agendas: certains veulent former des partis, d'autres se présenter à la présidence".
"Nous, on veut travailler", tranche-t-il."J'ai toujours voté mais j'ai aussi toujours su que ma voix irait à la poubelle.Aujourd'hui, pour la première fois, il y a un enjeu et ma voix va compter.Ce pays est redevenu le nôtre", se réjouit-il.
Les résultats sont attendus dimanche, selon la commission électorale.
Une heure après l'ouverture des bureaux de vote, les urnes étaient à moitié pleines dans plusieurs écoles.
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