Pendant des mois, les autorités d'Asmara et d'Addis Abeba ont démenti la présence de forces érythréennes au Tigré, qui était pourtant largement rapportée par des habitants, des humanitaires, des diplomates et même certains responsables civils et militaires éthiopiens.
Ces troupes, ainsi que l'armée éthiopienne, y ont été notamment accusées de pillages, de massacres et de viols à grande échelle.
Abiy Ahmed a lancé le 4 novembre une intervention militaire visant à renverser le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), parti au pouvoir dans cette région du Nord du pays dont il a accusé les forces d'avoir attaqué des bases de l'armée fédérale.Il a proclamé la victoire le 28 novembre mais les combats s'y sont poursuivis.
Mardi, le Premier ministre éthiopien avait admis pour la première fois, devant le Parlement, que des troupes érythréennes étaient présentes sur le sol tigréen.
Il s'est ensuite rendu dans la capitale érythréenne, Asmara, jeudi.
"Dans mes discussions du 26 mars avec le président (érythréen) Issaias Afeworki à l'occasion de ma visite à Asmara, le gouvernement érythréen a accepté de retirer ses forces en dehors des frontières de l'Ethiopie", a-t-il annoncé vendredi matin dans un communiqué posté sur son compte Twitter.
Il explique également que le TPLF a tiré plusieurs roquettes sur la capitale érythréenne, "incitant ainsi le gouvernement érythréen à traverser la frontière avec l'Ethiopie, à prévenir d'autres attaques et à sauvegarder sa sécurité nationale".
- Massacres -
L'Éthiopie et l'Érythrée se sont opposées entre 1998 et 2000 durant une sanglante guerre frontalière, alors que le TPLF dominait le pouvoir en Ethiopie, qui a abouti à une impasse de deux décennies.
Les deux pays se sont rapprochés après l'arrivée au pouvoir en 2018 d'Abiy Ahmed, récompensé du prix Nobel de la paix en 2019.Mais l'Érythrée et le TPLF sont restés de féroces ennemis.
Selon le Premier ministre éthiopien, les troupes érythréennes ont pris le contrôle de zones proches de la frontière, y compris des tranchées creusées au temps de la guerre frontalière, qui avaient été abandonnées par les soldats éthiopiens.
Mais des groupes de défense des droits humains et des habitants de Tigré ont, eux, décrit une présence érythréenne beaucoup plus loin dans la région.
Amnesty International et Human Rights Watch ont accusé l'armée d'Asmara d'avoir tué des centaines de Tigréens lors d'un massacre fin novembre dans la ville d'Aksoum.
La Commission éthiopienne des droits de l'Homme, organe indépendant mais rattaché eu gouvernement, a affirmé mercredi avoir "réuni des preuves concernant la mort de plus d'une centaine de victimes", tuées par des membres des forces érythréennes, dans cette ville sainte du nord du Tigré.
L'AFP a documenté un autre massacre qui aurait été perpétré en novembre par les troupes érythréennes dans la ville de Dengolat.
Lors d'une visite ce mois-ci dans la ville de Wukro, à 50 kilomètres au nord de la capitale régionale Mekele, des habitants ont également déclaré à l'AFP que des soldats érythréens étaient toujours présents, parfois vêtu d'uniformes éthiopiens.
Abiy a déclaré devant les parlementaires que tout abus commis dans la région était "inacceptable".
- "Tromperie" -
Le parti d'opposition tigréen, Salsay Weyane Tigray, a déclaré vendredi que tout accord sur le retrait de l'Érythrée était "inutile" sans "un organisme de réglementation international pour vérifier".
"C'est un autre niveau de tromperie, un jeu auquel ils jouent depuis longtemps", a déclaré sur Twitter Hailu Kebede, en charge des affaires étrangères au sein du parti.
"Retirez toutes les forces et mettez en place une équipe d'observation internationale.Le monde ne doit pas être dupé une nouvelle fois", a-t-il lancé.
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken avait appelé au retrait des Érythréens, ainsi que des forces de la région éthiopienne d'Amhara qui ont également joué un rôle clé dans la sécurisation de certaines parties de l'ouest et du sud du Tigré.
Les responsables d'Amhara affirment que ces parties du Tigré leur appartiennent légitimement.
Le conflit a fait près d'un million de déplacés.Les autorités locales estiment qu'environ 950.000 personnes ont fui les combats et les persécutions, essentiellement en provenance du Tigré occidental mais aussi du nord-ouest et du centre de la région.
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