"Je ne veux pas polémiquer", a réagi M. Tshisekedi, interrogé à propos de l'interview controversée du président rwandais."Ca sera au président Kagame qu'il faudra poser la question", a-t-il déclaré à l'AFP, au lendemain de sa participation à un sommet économique africain organisé à Paris.
Lundi, interrogé, en anglais, sur le rapport Mapping de l'ONU - publié en 2010 et qui répertorie plus de 600 violations graves des droits humains commises en RDC entre 1993 et 2003 -, M. Kagame a déclaré, lors d'une interview aux médias français France 24 et RFI: ce document "a été extrêmement controversé.Et en réalité, il est hautement contesté (...) et a été hautement politisé".
"Il y a aussi des rapports qui disent complètement l'opposé", a-t-il poursuivi.Et la journaliste de le relancer: "L'opposé?qu'il n'y a pas eu de crimes commis dans la région?"."Il n'y a pas eu de crimes", répond M. Kagame."Dans l'est de la RDC?", lui redemande alors la journaliste."Absolument", enchaîne alors M. Kagame.
Ces propos ont provoqué un tollé en République démocratique du Congo (RDC), où ils ont été interprétés comme une négation pure et simple des nombreuses tueries perpétrées à cette époque dans la région. La controverse s'est poursuivie mercredi."Dignité, justice et réparation sont les seules réponses appropriées face au négationnisme de Kagame", ont déclaré dans une tribune 60 personnalités congolaises, des politiques de la majorité comme de l'opposition, des scientifiques, des artistes et des activistes.
Face à la polémique, le gouvernement rwandais a expliqué de son côté mercredi qu’il y a eu "confusion" sur les propos du président rwandais."Il y a confusion sur ce que le président Kagame a dit sur le rapport Mapping lorsqu'il a été interrompu par (la journaliste) Alexandra Brangeon sur France 24", a déclaré sur Twitter le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta.
- "Soutien" à Mukwege -
La RDC a connu deux guerres entre 1996-97 et 1998-2003, qui ont déstabilisé en profondeur les Kivus, région congolaise frontalière.Ce conflit a impliqué les nombreuses milices et les armées de plusieurs pays voisins, en particulier Rwanda et Ouganda.
Le "rapport Mapping n'a pas été fait par des Congolais, c'est un rapport d'experts", "des gens objectifs", a estimé M. Tshisekedi.
"Ce qui m'intéresse moi, c'est de ramener la paix à l'Est, une paix définitive (...).Le (rapport) Mapping a été fait par la communauté internationale, elle doit le poursuivre parce qu'il faut que justice soit rendue à nos victimes", a-t-il estimé, souhaitant également que son pays s'attèle un jour à ce chantier de la justice pour les victimes, notamment à travers la "justice transitionnelle".
En 1994, Paul Kagame, chef de la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) et ses troupes ont mis fin au Rwanda au génocide des Tutsi, orchestré par le régime extrémiste hutu, et qui a fait plus de 800.000 morts.
Au pouvoir à Kigali depuis la fin du génocide, le FPR a été accusé par l'ONU d'avoir, dans sa traque des génocidaires, tué avec ses alliés congolais de nombreux Hutu en République démocratique du Congo en 1996-1997.Ce sujet reste très sensible: Kigali réfute ces massacres et considère que leur évocation est une manière de nier le génocide des Tutsi.
Félix Tshisekedi s'est dit mercredi "déterminé à faire justice" concernant "ceux qui ont commis des crimes" au Congo."S'il y a au FPR des gens qui ont commis des crimes, ils doivent être rattrapés par la justice.Et c'est dans l'intérêt du président Kagame de les livrer à la justice, parce qu'il y va de l'honneur de son pays aussi", a-t-il lancé à l'AFP.
Depuis 1994, l'Est de la RDC subit toujours le contrecoup de cette tragédie du génocide et est meurtri par une centaine de groupes armés encore en activité.
La controverse est d'autant plus intense en RDC que le président rwandais s'en est pris au médecin congolais et Prix Nobel de la paix Denis Mukwege, en pointe pour la reconnaissance des crimes dans l'Est, qu'il a accusé d'être "un outil de forces que l'on ne voit pas".
Le docteur Mukwege "est une fierté nationale", a répliqué M. Tshisekedi.Il "a tout notre soutien".
Célèbre gynécologue, M. Mukwege est co-lauréat du prix Nobel de la Paix 2018 pour les soins qu'il apporte à des milliers de femmes victimes de violences sexuelles dans l'Est.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.