Afrique du Sud: le président Ramaphosa attendu sur la corruption

Infos. Le président sud-africain avait promis de s'attaquer à la corruption endémique au sein de l'ANC, parti historique au pouvoir.Mais les années passent et le monstre se porte bien, nourrissant résignation et une colère sourde croissante dans le pays.

Afrique du Sud: le président Ramaphosa attendu sur la corruption

Jeudi soir, Cyril Ramaphosa a enfin annoncé le départ de son ministre de la Santé Zweli Mkhize, autrefois pressenti à un grand avenir, qu'il avait mis en "congé spécial" début juin après des accusations de détournement de millions en pleine pandémie.

A quelques jours de son propre témoignage devant la commission qui enquête sur la terrible corruption d'Etat sous son prédécesseur Jacob Zuma, forcé au départ en 2018 tant il était englué dans des montagnes de scandales.A l'époque, M. Ramaphosa était son vice-président.

Mais ce nouvel épisode révélateur de la "pourriture" bien installée au c-ur du pouvoir, relèvent des observateurs politiques, pourrait coûter cher au président à quelques mois d'élections locales test pour l'ANC. 

Et le limogeage de M. Mkhize, visage de la lutte contre la pandémie dans le pays le plus industrialisé d'Afrique, arrive bien tard.

"La colère est palpable", note Ina Gouws de l'Université du Free State."On a tous compris maintenant que les loyautés partisanes au sein de l'ANC prennent le pas sur ce qu'il faudrait pour le pays".

"Compte tenu des éléments accablants contre (Mkhize)...c'est déconcertant qu'il ait fallu tant de temps pour se débarrasser de lui", a relevé le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA). 

La gauche radicale de l'EFF a accusé de son côté M. Ramaphosa de ne faire que de la "rhétorique", affirmant que certains de ses nouveaux ministres annoncés jeudi lors d'un important remaniement trainent aussi des casseroles. 

L'Unité des enquêtes spéciales (SIU) a saisi la semaine dernière la justice pour récupérer l'équivalent de près de neuf millions d'euros provenant d'un contrat irrégulier lié au Covid avec une société de communication, qui aurait bénéficié à Mkhize et à son fils. 

Cette semaine, le quotidien Daily Maverick a publié sa propre enquête, affirmant que les fonds détournés avaient été investis dans un salon de manucure  appartenant à la belle-fille de Mkhize, entre autres extravagances. 

- "Pourriture profonde" -

Sur les réseaux sociaux, les Sud-Africains se sont déchaînés pour dénoncer l'inertie du président, qui avait pourtant juré qu'il ne serait pas tendre avec les corrompus.

"C'est bien pour ça que la confiance envers le gouvernement ne cesse de s'effriter, comme envers la démocratie en général", regrette Narnia Bohler-Muller, du Human Sciences Research Council. 

Une commission enquête parallèlement depuis 2018 sur la corruption sous Zuma.M. Ramaphosa y témoignera une nouvelle fois mardi et mercredi, une attitude conciliante bien éloignée de celle de son prédécesseur qui, pour avoir systématiquement refusé d'y comparaitre, dort en prison depuis un mois. 

Zuma doit aussi comparaître mardi dans une affaire distincte de pots-de-vin vieille de 20 ans, autour d'un contrat d'armement, dans laquelle le groupe français Thales est également poursuivi. 

Mais très peu d'arrestations de gros calibres au sein de l'ANC ont eu lieu. 

"On peut virer Mkhize mais la pourriture est bien plus profonde", note le sociologue Trevor Ngwane."Ces scandales de corruption sont comme des feuilletons qui camouflent notre échec structurel à restituer un peu de richesse au peuple". 

Surfant toujours sur le prestige de la lutte contre le régime de l'apartheid, l'ANC n'a pas réussi à restaurer la dignité des Sud-Africains, ajoute M. Ngwane, dont plus de la moitié vivent sous le seuil de pauvreté. 

La flambée de violences et pillages mi-juillet, déclenchées après l'incarcération de M. Zuma, s'est nourrie des frustrations liées à l'aggravation de la pauvreté."Il y a une crise plus importante, celle de la survie au quotidien", note encore l'universitaire. 

M. Ramaphosa conserve une solide cote de popularité, mais les électeurs sont désabusés et "profondément furieux contre la corruption", note Mme Bohler-Muller.Si des actions en ce sens "n'arrivent pas bientôt, nous connaitrons d'autres troubles.La cohésion sociale va s'effondrer", met-elle en garde. 

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