Le docteur Georges Bwelle, chef de service de chirurgie viscérale à l'hôpital central de Yaoundé, intervient ce samedi dans la prison de Nkongsamba, à 150 km au nord de Douala.Tous les week-ends, il se rend avec son équipe de l'association Ascovime dans les zones reculées du pays pour soigner gratuitement ceux qui n'en ont pas les moyens.
Sa vocation naît dès l'enfance.Issu d'une famille modeste de Douala, le jeune garçon voit la santé de son père se dégrader à la suite d'un accident de la route, faute d'accès à un médecin spécialiste.
Après ses études, il commence à sillonner les routes de son pays."Avec le peu de sous que j'avais, j'achetais des médicaments et je soignais trois ou quatre personnes, puis 10, puis 100", raconte-t-il à l'AFP.
Peu à peu, une équipe de médecins se soude autour de lui.Il crée l'association Ascovime en 2008.Aujourd'hui, elle effectue une quarantaine de missions par an, offre des consultations à 40.000 personnes, en opère environ 1.400 et donne du matériel scolaire à 20.000 enfants.
Vendredi, la nuit est tombée depuis de longues heures à Yaoundé. Mais une petite équipe s'agite dans l'obscurité pour charger le minibus.Tout le monde va pouvoir partir ? Il faut se serrer.Le véhicule se met en branle.
- Hôpital de campagne -
"Applaudissement pour tous ceux qui ont eu leur diplôme aujourd'hui!", crie un des anciens de la bande.Tonnerre de bravos.Des garçons, des filles, des anglophones, des francophones, surtout des jeunes, la trentaine tout au plus.Dans une ambiance de colonie de vacances, le bus trace sa route au rythme des musiques traditionnelles camerounaises.
Vêtu d'un short et d'un sweatshirt bleu marine, le docteur Bwelle, également enseignant à l'université de Yaoundé, donne de la voix et frappe dans ses mains.Il saisit ses protégés par l'épaule, raconte des blagues, rayonne au milieu des siens. La carrosserie du véhicule porte le message de l'association "Let's make people smile", "Faisons sourire les gens".
"C’est un peu stupide, mais j’adore faire rire les gens.Et pour moi, cela passe par soigner ceux qui en ont besoin", confie le docteur."C'est ma manière de manifester mon amour du prochain", reprend celui qui place sa croyance en Dieu au cœur de son travail.
Au milieu des collines verdoyantes de l'ouest du Cameroun, l'équipe du docteur est accueillie par l'administrateur de la prison et l'ONG Agriculture for Africa, organisateurs de la mission.Un local est mis à disposition à quelques dizaines de mètres des cellules.Aujourd'hui, près de 500 détenus et leurs familles vont être examinés.
"C'est parfait!", lâche le docteur Bwelle.Aussitôt, une chaîne de volontaires se forme pour amener le matériel.Et le local sans âme se transforme en hôpital de campagne.Plusieurs services sont créés: médecine générale, ophtalmologie, odontologie et même petite chirurgie.
La plupart du temps, Ascovime se rend dans des zones rurales, où l'accès aux soins est rare et difficile, y compris dans les régions anglophones en proie à un conflit séparatiste, et dans la région d'Extrême-Nord, touché par des incursions jihadistes du groupe Boko Haram.
- Expérience humaine -
"Souvent, rien que de voir l'ébranlement, l'organisation, on nous dit +Merci d'avoir pensé à nous dans notre coin reculé+", raconte le médecin.
"Dans tous les villages, il y a au moins une case de santé, tenue par un infirmier, souvent un personnel de l’État camerounais", explique-t-il, mais "le principal problème, c'est la pauvreté et le manque de matériel"."Notre but est de ramener les gens vers l'hôpital, en leur offrant une consultation gratuite et des médicaments", poursuit-il.
Au Cameroun, pays d'Afrique centrale de quelque 25 millions d'habitants dirigé depuis plus de 38 ans par Paul Biya, le taux de pauvreté atteint près de 40%, et un tiers des habitants vit avec moins de 2 euros par jour.L'espérance de vie est de 59 ans.
Dans la prison de Nkongsamba, un détenu sort de la salle d'opération, soigné pour une hernie."Grâce à Dieu, j'ai été libéré d'un mal.Les docteurs ont pris soin de moi.Je me sens respecté", souffle-t-il, ému.
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