Après la France et l'Allemagne, l'Estonie a averti à son tour cette semaine le gouvernement malien qu'une coopération avec le sulfureux groupe paramilitaire privé russe Wagner, envisagée par Bamako, conduirait au retrait de ses troupes participant à la lutte antijihadiste.
L'arrivée de Wagner au Mali affecterait "sérieusement" les relations entre l'Union européenne et Bamako, a également prévenu lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
"Menacer de partir est la seule position diplomatique tenable dans un pays tenu par des putschistes qui comptent être épaulés par des mercenaires russes", commente un haut gradé français.
Le groupe Wagner, avec qui Moscou dément tout lien, fournit des services de maintenance d'équipements militaires et de formation mais est également accusé de mercenariat et suspecté d'appartenir à un homme d'affaires proche du Kremlin, Evguéni Prigojine.En Centrafrique, ses hommes y sont régulièrement accusés d'exactions.
La communauté internationale s'inquiète en parallèle du peu d'empressement manifesté par les colonels maliens qui ont renversé le 18 août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta à organiser des élections pour rendre le pouvoir aux civils en février 2022.
Or, un partenaire comme Wagner "aurait l'avantage d'être moins regardant que d'autres" sur les questions de gouvernance, grince-t-on à Paris."L'avantage avec Wagner, c'est l'absence de redevabilité", abonde une autre source française proche du dossier.
En visite au Mali lundi, la ministre française des Armées Florence Parly n'a pas obtenu les assurances espérées auprès de son homologue malien Sadio Camara.
Le président malien de transition, le colonel Assimi Goïta, a quant à lui appelé mercredi les partenaires internationaux à "une meilleure lecture de la situation", alors que des milliers de Maliens manifestaient à Bamako en soutien à la junte et pour rejeter l'"ingérence extérieure".
- crédit politique engagé -
L'ancienne puissance coloniale n'en est pas à sa première déconvenue avec la junte malienne, dont l'arrivée au pouvoir avait un temps fait espérer un nouveau départ après des années d'attentisme politique au Mali.
En octobre 2020, sans véritable consultation avec Paris, le nouveau régime décide de libérer plusieurs dizaines de prisonniers arrêtés pendant des opérations antijihadistes, contre 4 otages dont la Française Sophie Pétronin.Puis en mais 2021, un deuxième coup d'Etat du colonel Goïta force la France à suspendre temporairement sa coopération militaire avec les forces maliennes (FAMa).
Sur le terrain, la situation sécuritaire reste délétère malgré la présence des forces françaises depuis huit ans et la récente "neutralisation" de plusieurs chefs jihadistes de premier rang ces derniers mois.Le groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) est "capable de se reconstituer", a récemment prévenu le commandant de l'opération Barkhane.
L'Etat malien, lui, n'est pas mobilisé pour réinvestir les territoires reculés du Mali, abandonnés aux jihadistes, aux tensions intercommunautaires et aux trafics.Quant à l'armée malienne, elle peine à fournir suffisamment de troupes au groupement européen de forces spéciales Takuba, destiné à accompagner les FAMa au combat pour les aguerrir.A l'heure actuelle, aucun soldat malien n'est présent dans le camp de Takuba à Ménaka, non loin de la frontière avec le Niger.
Si la défiance de la junte devait perdurer, la France se retrouverait dos au mur, après huit années de lutte antijihadiste ininterrompue au Mali, au prix de la mort de 50 militaires.
Car la période est délicate.Sur décision d'Emmanuel Macron, la France a entrepris de réorganiser son dispositif militaire au Sahel, en quittant notamment les bases les plus au nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Tessalit) et en réduisant le nombre de troupes dans la région d'ici 2023, à 2.500-3.000 hommes contre plus de 5.000 aujourd'hui.Un défi logistique qui exige une coordination étroite avec Bamako.
Parallèlement, l'exécutif français a engagé un important crédit politique pour convaincre plusieurs pays européens de s'engager au Mali au côté de la France. Un départ précipité des forces internationales rappellerait inévitablement le chaotique retrait américain d'Afghanistan et sonnerait comme un aveu d'échec, au moment où la France se prépare à voter l'an prochain pour choisir son futur président.
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