La défection à Londres de Moussa Koussa --tour à tour maître espion, artisan de la répression puis de l'ouverture, et chef de la diplomatie libyenne-- est un signe de "l'effondrement du régime" de Kadhafi, a prédit jeudi le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.
La nouvelle de la désertion de cet apparatchik-clef appartenant au premier cercle du pouvoir représente une victoire significative dans la guerre psychologique menée pour isoler et chasser du pouvoir le colonel Mouammar Kadhafi.En parallèle aux frappes opérées par la coalition dominée par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, sous couvert de l'ONU, dans le but de secourir les civils libyens en proie à une répression sanglante.
"Sa démission montre que le régime de Kadhafi, qui a déjà enregistré des défections significatives, est divisé, sous pression et s'effondre de l'intérieur", s'est félicité M. Hague.Et d'ajouter : "Kadhafi doit se demander qui sera le prochain à l'abandonner."
"L'entourage de Kadhafi réalise que les jeux sont faits", avait auparavant commenté un officiel américain.
M. Hague avait eu cette semaine encore son homologue libyen au téléphone.Il a toutefois assuré que "Moussa Koussa ne se verra pas offrir d'immunité par la justice britannique ni par la justice internationale".
Dès son atterrissage dans le petit aéroport de Farnborough, en provenance de Tunisie où il a effectué une mystérieuse "visite privée de 48 heures", le transfuge a été accueilli par des officiels du Foreign Office qui ont entrepris de le débriefer à huis clos.Il est susceptible de fournir de précieux renseignements sur l'état de résistance ou de décomposition du régime libyen.
Ces jours derniers, Washington et Londres avaient fait état de contacts secrets avec plusieurs dirigeants prêts à lâcher Kadhafi.
Le Tripolitain de 59 ans est un personnage à tout le moins complexe.Titulaire d'un master en sociologie obtenu aux Etats-Unis et longtemps désigné comme "le maître de la terreur" par les opposants, il est éminemment controversé en Grande-Bretagne.
Il y a été furtivement ambassadeur en 1980, avant d'être expulsé pour avoir appelé à la liquidation d'opposants libyens sur le sol britannique, et exprimé son soutien à l'Armée républicaine irlandaise (IRA, séparatiste).
Vice-ministre des Affaires étrangères de 1992 à 1994, puis chef des services de renseignements jusqu'en 2009 avant d'être chargé de la diplomatie, il a par la suite joué un rôle déterminant dans la réhabilitation de la Libye, alors état paria et terroriste.
"Je n'ai absolument aucun doute sur le fait qu'il a joué un rôle clef en amenant Kadhafi à accepter d'abandonner ses programmes d'armes nucléaires et chimiques", un geste qui a justifié la levée de l'embargo commercial contre la Libye en 2003, a ainsi reconnu jeudi Jack Straw, à l'époque ministre des Affaires étrangères britannique.
M. Koussa a piloté l'offensive diplomatique qui a porté Kadhafi en 2009 à la présidence de l'Union africaine.Le colonel s'était alors autoproclamé "roi des rois d'Afrique".
Moussa Koussa a aussi été au coeur des négociations ayant abouti à la libération d'infirmières bulgares en 2007, et dans l'indemnisation des familles des victimes des attentats de Lockerbie (1988, 270 morts) et du DC-10 d'UTA (1989, 170 morts), imputés à la Libye.
L'accueil que lui réservera Londres aura une influence considérable sur les autres caciques tentés par la défection.
La Grande-Bretagne, à l'instar des Etats-Unis et de la France, a jusqu'ici insisté pour que le colonel Kadhafi et son entourage répondent de leurs crimes devant la Cour pénale internationale (CPI).
Mais plusieurs pays, dont l'Italie, suggèrent d'offir l'exil au colonel, pour mettre fin au bain de sang et éviter une partition du pays.
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