Ici, il n'y a guère de file d'attente: les rares visiteurs déambulent sans encombre dans cette imposante cité romaine, classée au patrimoine mondial de l'Unesco et érigée en bord de mer, près de la ville de Khoms (ouest).
"C'est un voyage dans le temps, une plongée dans l'Histoire", s'extasie auprès de l'AFP Abdessalam Oueba, un visiteur libyen sexagénaire, barbe poivre et sel, vêtu d'une tunique bleue.
Fondée par les Phéniciens puis conquise par les Romains, Leptis Magna vit naître l'empereur Septime Sévère, qui y régna de 193 à 211 et fit d'elle l'une des plus belles villes de l'Empire romain, selon l'Unesco.
L'empereur la dota de monuments majestueux: une grande basilique, un hippodrome ainsi qu'un amphithéâtre pouvant accueillir jusqu'à 15.000 spectateurs avec une vue spectaculaire sur la Méditerranée.
Le site, bâti sur une cinquantaine d'hectares, est "un passage obligé pour les touristes", qui sont majoritairement libyens, constate l'un d'eux, Ahmed al-Amayem, avec en arrière-plan un arc de triomphe.
- "Quasi-inexplorée" -
Ihab a fait le trajet en famille depuis la capitale Tripoli, à 120 km de là."J'étais venu écolier, j'y retourne avec mes enfants", sourit ce jeune père de famille.
"Leptis Magna est une ville sublime, le plus beau site romain hors d'Italie (...), elle est quasi-inexplorée", fait remarquer ce médecin de 34 ans, sous un ciel immaculé.
Quand le pays a sombré dans le chaos il y a dix ans, l'avenir de son important patrimoine antique a suscité l'inquiétude. En 2016, l'Unesco a classé Leptis Magna et quatre autres lieux parmi les sites en péril du patrimoine mondial.
A l'instar des autres sites antiques libyens, les ruines spectaculaires de Leptis Magna ont finalement été épargnées par les conflits armés qui ont embrasé le pays d'Afrique du Nord depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi.
"Il n'y a eu aucun dégât ni aucune menace sur (Leptis Magna), malgré les conflits", explique à l'AFP, Azeddine al-Fakih, chef du département des antiquités du site.
Reste que l'imposante cité souffre de négligence, d'un "manque de moyens et de soutien du gouvernement", regrette-t-il.
"En 2020, nous avons malgré tout pu lancer des projets qui auraient dû être réalisés il y a 50 ans: clôture de la partie est, installation de sanitaires et de bureaux administratifs.Mais les fouilles sont au point mort, les travaux d'entretien demeurent cosmétiques."
Pour les pouvoirs publics, "il y a des problèmes bien plus grands à régler", concède-t-il.
Les missions archéologiques européennes (principalement italiennes et françaises) ont, elles, été interrompues du fait de l'instabilité politique.
- "Source de revenus" -
Secteur confidentiel dans un pays où la paix est encore fragile et l'économie dominée par les hydrocarbures, le tourisme a connu une brève et timide ouverture dans les années 2000.
A l'époque, le régime de Kadhafi, longtemps mis au ban de la communauté internationale, était enfin devenu fréquentable.
Après la levée de l'embargo onusien en 2003, des visas de tourisme avaient été émis pour la première fois et un ministère dédié avait été créé, allant de pair avec une stratégie pour développer le secteur.
Tout s'est arrêté net en 2011 avec la chute et la mort de Kadhafi.Aujourd'hui, alors que le pays de sept millions d'habitants tente de tourner la page d'une décennie de chaos, la "Rome d'Afrique" pourrait devenir "une source de revenus, créer des milliers d'emplois et attirer des millions de touristes" générant "des milliards de dollars", veut croire M. Fakih.
Et de poursuivre: "Leptis Magna se bonifie avec le temps, quand les réserves d'hydrocarbures s'amenuisent.Celles-ci ne sont pas éternelles et un jour disparaîtront, mais Leptis restera."
Omar Hdidan, 49 ans, croit lui aussi au potentiel de ce joyau.Cet ingénieur en génie civil participe bénévolement à l'entretien de la "porte d'entrée de la Libye pour le tourisme".
La ville a "toujours été négligée par l'Etat.Il n'y a ni fouilles, ni nouvelles découvertes, ni campagne touristique", regrette M. Hdidan, pour qui "Leptis Magna vaut plus que dix puits de pétrole".
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