Sokoto, carrefour commercial dans le nord du Nigeria, paralysé par l'insécurité

Infos. Sur l'une des routes empruntées par les caravanes de dromadaires à l'époque du commerce transsaharien, la ville de Sokoto est toujours, deux siècle plus tard, un carrefour commercial majeur pour des millions de personnes vivant dans l'extrême nord-ouest du Nigeria. 

Sokoto, carrefour commercial dans le nord du Nigeria,  paralysé par l'insécurité
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Sokoto (Nigeria) (AFP)

Mais une récente flambée des attaques menées par des groupes criminels lourdement armés, appelés localement "bandits", ont éloigné des champs de nombreux habitants, et bridé le commerce dans cette région du sud du Sahel déjà minée par la pauvreté. 

Pour tenter d'endiguer les attaques et enlèvements de masse perpétrés par ces gangs, les autorités locales ont imposé plusieurs restrictions qui, selon les habitants, aggravent encore plus leurs difficultés économiques. 

Début septembre, 13 départements de Sokoto ont été placés sous état d'urgence, avec l'interdiction pour leurs habitants de transporter du bétail ou du bois de chauffe.Plusieurs marchés animaliers ont été temporairement fermés, et la vente de carburant limitée.Les lignes téléphoniques ont également été coupées.

En temps normal, le populaire marché Ramin Kura, situé au nord de la ville de Sokoto, déborde d'oranges, de citrons, de bananes, d'ananas, de noix de coco, de patates douces, d'oignons et d'ignames.

Mais actuellement, les étals de fruits et légumes sont dégarnis, et les prix criés par les vendeurs aux clients ont flambé. 

Sous une chaleur écrasante, Ibrahim Abubakar Sahabi inspecte ses bottes de tiges de cannes à sucre, qu'il peine désormais à écouler.

"Il y a deux semaines, c'était 700 nairas (1,4 euros) les dix tiges, mais maintenant c'est 1.000 nairas (2 euros)", explique le vendeur âgé de 45 ans."Cela pourrait monter à 1.500 voire 2.000 nairas si ça continue", désespère-t-il. 

- Affamer les bandits -

"On ne peut plus aller aux champs à cause de l'insécurité donc nous avons moins de marchandises", explique M. Sahabi, également porte-parole de l'association des vendeurs de fruits du marché, qui représente environ 600 travailleurs. 

D'habitude, des camions chargés de leurs produits agricoles sont envoyés au Ghana, au Cameroun et au Niger, mais le ballet incessant des transporteurs a largement diminué.Et rien qu'hier, M. Sahabi affirme "que l'un de ces camions en partance pour le Niger a été arrêté par les militaires et forcé de faire demi-tour".

Selon le responsable de la sécurité de l'Etat de Sokoto, Garba Moyi, l'accès à la nourriture a également été restreint dans certaines parties du territoire. "Nous voulons affamer les bandits", explique à l'AFP cet ancien colonel de l'armée, qui assure que les civils sont autorisés à acheter une quantité de vivres suffisantes pour nourrir leur famille.

"Lorsque vous achetez 10 sacs de riz, où allez vous avec ? C'est suspect, cela veut dire que vous fournissez les bandits", accuse M. Moyi. 

A la station essence Umaratu, dans le nord de Sokoto, Musa Abdullahi attend des clients toujours plus rares. 

Ce gérant affirme que son chiffre d'affaires a été divisé par deux depuis que les stations ont interdiction de vendre plus de 5.000 nairas (10 euros) d'essence par personne.

A Sokoto, la morosité a également gagné le célèbre marché à bétail de Kara, où les vaches sont moitié moins nombreuses qu'à l'accoutumée. 

"Nous souffrons vraiment", témoigne l'un des vendeurs, Bashir Abakar Marina, âgé de 45 ans.

- Opérations militaires -

"Normalement, nous envoyons nos vaches à Lagos, Port Harcourt et Ibadan (villes du sud du Nigeria, ndlr) mais maintenant nous sommes obligés de les vendre ici", dit-il, désespéré. 

Pour le responsable de la sécurité, M. Moyi, les restrictions sont essentielles si les autorités veulent venir à bout des gangs criminels: "Si les bandits manquent de nourriture, d'essence, s'ils ne peuvent pas communiquer ni se déplacer, alors ils seront forcés de se rendre". 

Dans les Etats de Zamfara, Katsina et Kaduna, des restrictions de mouvement et de commerce ont également été imposées.À Zamfara, les lignes téléphoniques sont coupées depuis plus de trois semaines.

"Il y a tellement de camps de bandits à Sokoto, entre 40 et 50", dit-il.

Et alors qu'une opération militaire est en cours dans l'Etat voisin de Zamfara, véritable repaire des bandits, les autorités s'inquiètent que les hommes armés ne se déplacent à Sokoto. 

"C'est déjà en train de se produire, Sokoto est devenu un refuge pour eux", assure M. Moyi.

Sur place, la colère monte.Selon des média locaux, la maison de M. Moyi a été incendiée vendredi par des habitants à bout. 

Les autorités tentent de rassurer la population, en répétant que les restrictions sont temporaires.

Mais pour M. Abdullahi, qui travaille à la station-service de Sokoto, elles sont délétères: "J'ai 16 enfants et six employés à payer (...) nous avons besoin d'aide." 

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