Alors que les semences de blé améliorées, développées à partir des années 1980 en Tunisie, sont rattrapées par les maladies, les variétés traditionnelles font de la résistance, assurent-ils.
Les changements climatiques provoquent des variations de précipitations, de température et d'humidité, ce qui favorise le développement de certaines maladies, explique à l'AFP Maher Medini, chercheur tunisien en biologie moléculaire.
Selon lui, "la base de l'adaptation est la diversité".Et les variétés autochtones sont un "réservoir de gênes vieux de centaines, voire de milliers d'années", qui sont davantage aptes à répondre aux défis du climat de demain.
En Tunisie, de génération en génération, la coutume a longtemps vu les paysans stocker une petite part de leurs récoltes obtenues à partir d'espèces "autochtones" pour ensemencer les champs l'année suivante.
Mais avec le recours croissant aux semences hybrides ou génétiquement modifiées --aux récoltes présentées comme plus abondantes et plus faciles à "calibrer" --, ces plants autochtones sont presque tombés dans l'oubli.
Ces dernières années, des paysans tunisiens tentent toutefois de les ressusciter.Pour la bonne cause.
- "Résultats" -
A Jedaida, une région agricole à une trentaine de km de Tunis, Mohamed Lassad ben Saleh, dit avoir "hésité avant de s'aventurer", il y a huit ans, à replanter une variété de blé autochtone, dite "al-Msekni".
Dans sa ferme, odeur de paille et ronronnements de moissonneuses-batteuses: la saison de la récolte bat son plein.Le blé est mis dans des sacs blancs, puis pesé séparément, afin de calculer la productivité de chaque parcelle."Et les résultats sont bons", se félicite M. Ben Saleh.
Alors, chaque fin de journée, l'exploitant réunit les agriculteurs du coin pour partager les chiffres de productivité de la semence traditionnelle, une manière de tenter de les convaincre d'abandonner leurs équivalents industriel.
L'agriculteur explique que sa récolte est supérieure à cinq tonnes par hectare, bien plus que la moyenne nationale (1,4 à 2 tonnes) sur les dernières années.
Selon M. Ben Saleh, la variété "Al-Msekni" résiste mieux aux épisodes prolongés de sécheresse du climat tunisien, et aux maladies --ce qui lui permet au passage de faire des économies en pesticides.
"Les +nouvelles+ variétés sont fragiles et rapidement affectées par les champignons", par exemple, dit-il.
Un des paysans présents, Oussama Bahrouni, semble convaincu.Dès la prochaine saison il veut semer une variété locale.
Auparavant, dit-il, les agriculteurs devaient racheter des semences à chaque saison, car les graines issues de semences hybrides ne peuvent être resemées.
Résultat: à ce jour, la Tunisie importe chaque année de 70 à 80% de ses semences de légumes.
- "Patrimoine génétique" -
Une banque nationale travaille à "reconquérir" le "patrimoine génétique" local.
Depuis 2008, elle collecte des semences traditionnelles auprès des agriculteurs et récupère des semences autochtones tunisiennes conservées dans des banques de gènes à travers le monde.
La Tunisie a ainsi pu rapporter au pays plus de 7.000 échantillons de graines d'arbres fruitiers, céréales ou légumes, sur les plus de 11.000 trouvées en Europe mais aussi en Asie, et jusqu'en Australie.Ces graines commencent à être semées à nouveau dans les champs tunisiens.
Les variétés anciennes comme "Al-Msekni" ou "Al-Mahmoudi" "sont issues de cette terre, elles la connaissent très bien", selon Aymen Amayed, chercheur en politiques agricoles.
De ce fait, elles s'adaptent mieux aux épisodes accrus de sécheresse, et plus largement "aux changements climatiques", explique de son côté M. Ben Naceur.
Face à l'augmentation prévue des températures à l'horizon 2050, il assure que "les variétés qui ne seront pas résistantes vont disparaître", alors que des records absolus de chaleur ont été battus cet été en Tunisie.
L'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) met elle-même en garde contre un recours croissant aux semences hybrides, considérant qu'il constitue une menace pour les semences autochtones.
Selon la FAO, environ 75% de la diversité génétique des cultures dans le monde a déjà disparu au cours du siècle dernier.
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