La TRRC a expliqué ce nouveau report dans la remise du rapport, très attendu dans ce petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest dirigé sans partage par Yahya Jammeh pendant 22 ans, par l'ampleur de la tâche. "Les travaux sur les seize volumes du rapport final ont été achevés, à l'exception de quatre volumes", a indiqué la TRRC, assurant que la travail restant se terminerait "bientôt", sans préciser de date. "Nous ne sommes pas encore prêts", avait dit auparavant à l'AFP un membre de la Commission sous le couvert de l'anonymat. Le juriste américain Reed Brody, qui milite pour faire traduire Yahya Jammeh en justice, a dénoncé dans un tweet ce nouveau report qui provoque "la frustration des victimes". Initialement prévue en juillet, la remise du rapport avait déjà été reportée au 30 septembre, pour des raisons similaires. Sa publication doit intervenir dans un contexte politique troublé, après l'alliance annoncée début septembre entre le parti de M. Barrow et celui de M. Jammeh en vue de l'élection présidentielle du 4 décembre, à laquelle l'actuel chef de l'Etat compte se représenter. Des organisations de défense des droits humains ont exprimé leurs inquiétudes concernant cette alliance, craignant qu'elle ne conduise M. Barrow à renoncer à poursuivre son prédécesseur. Le Centre gambien pour les victimes de violations des droits de l'Homme y a vu une "menace pour l'application par le gouvernement des recommandations de la TRRC", accusant M. Barrow "d'abandonner les citoyens gambiens éplorés pour retourner dans les bras de ce tyran meurtrier et violeur". La commission, créée en 2017, a entendu de janvier 2019 au 28 mai 2021 près de 400 témoins, victimes mais aussi d'anciens "Junglers" ("broussards"), les membres des escadrons de la mort du régime, venus raconter au cours d'auditions publiques parfois bouleversantes les multiples atrocités commises sous Yahya Jammeh. Dans son rapport final, la Commission peut recommander des poursuites et proposer l'amnistie d'auteurs de violations des droits humains qui ont témoigné de leurs actes et exprimé des remords, sauf s'il s'agit de crimes contre l'humanité. M. Barrow a fait savoir de longue date qu'il attendrait les recommandations de la TRRC pour éventuellement réclamer des poursuites contre son prédécesseur. Le gouvernement dispose d'un délai de six mois à compter de la remise du rapport pour publier un plan d'application de ces recommandations. La TRRC avait qualifié dans un rapport intérimaire publié en avril 2020 les violations des droits humains sous Yahya Jammeh de "massives, effroyables et diverses", citant les tortures, exécutions extrajudiciaires, des viols, les disparitions forcées, les arrestations et les détentions arbitraires. Parvenu au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en 1994, Yahya Jammeh s'était fait largement élire et réélire sans interruption jusqu'à sa défaite en décembre 2016 face à Adama Barrow, candidat d'une coalition d'opposition. Après six semaines d'une crise à rebondissements provoquée par son refus de céder le pouvoir, il a finalement dû quitter le pays pour la Guinée équatoriale à la suite d'une intervention militaire ouest-africaine et d'une ultime médiation guinéo-mauritanienne.
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